jeudi 25 août 2022

De Ports à Piques

 Dès la 1ere édition, cette PicaPica est son ratio distance d+ infernal m’a donné envie. Mais je ne me sentais pas forcément près et la création de la PicAriège de 40km de moins aurait pu être ma course de l’été 2022. C’était sass compter sur Chris pour qui ce serait la PicaPica ou rien : je n’allais quand même pas le laisser profiter seul de la tendre caillasse ariègeoise.

Bref, dès janvier me voilà inscrit, j’achète même dans la foulée une doudoune très légère et compréssible qui manquait dans ma panoplie pour répondre aux matériels obligatoires.

En revanche le début de la préparation se fera attendre : une moyenne de 2 sorties CAP par semaine, pas beaucoup de dénivelé, un peu de vélo mais sans plus, ce qui ne m’empêchera pas fin mai de faire un beau GR73 dans les Bauges, qui m’aura rassuré un peu sur mon état général.

Mi-juillet je fais une première excursion de 5jours à Auzat avec le sac de randonnée pour reconnaître une partie du parcours en bivouac. Excellente idée à recommander pour ce genre de course, le poids du sac oblige à avoir une vitesse proche de celle qu’on aura en course et la lenteur préserve les articulations, et on peut mieux profiter des paysages qu’en course où l’on regarde beaucoup ses pieds…

J’aurai reconnu tout le parcours sauf la montée du Riufret, celle du pic rouge de Bassiès et la descente finale derrière. Bonne idée également de ne pas avoir repérer ces deux difficultés pour ne pas en être dégoûté d’avance.

Une autre semaine dans les Alpes et quelques sorties dans les Pyrénées Orientales viendront compléter ma préparation clôturée par le championnat du Canigou 2 semaines avant la course (34km 2200d+ avec une interminable descente de 2200d- qui m’aura détruit les quadris pour 3 jours). Désormais, si je suis prêt tant mieux, sinon…

Arrivé le lundi 15 août à Goulier, camp de base de l’expédition, j’aurais profité du calme du village pour rester allongé 21h/24, le reste du temps je me baladais peinardement sur les jolis sentiers à proximité ou faisais et refaisais mes sacs de course et d’allégement en me posant les cruciales questions : quelles chaussettes ? Où ranger la frontale ? Prends-je ce coupe-vent ? Combien de compotes ? Où est la Rozana ?



Vendredi 19 août 2022 5h

Il fait une température parfaite à Auzat ce matin-là, le ciel est nuageux, le départ donné, la première montée jusqu’à la Pique d’Endron se fait dans un calme froid, j’ai du enfilé mes moufles imperméables car l’humidité matinale me glace le bout des doigts, on avance à la queue leu leu et je suis avec Chris à l’Endron un peu plus vite que prévu (j’ai un pseudo roadbook en 40h fait sur l’application Liverun)


L'Endron en juillet

Auzat ⇒ Pic d’Endron : 2h36 - 10,4km - 1715d+ - 129ème

Derrière la pique d’Endron, une descente raide mais pas trop difficile nous permet de rejoindre le ravitaillement du refuge d’Izourt, près du lac et barrage du même nom. On arrive ensemble avec Chris, et on ne traîne pas au petit ravitaillement (je remplis tout de même un sachet de quelques morceaux de saucissons et fromage et un gobelet de coca). Je suis parti avec une flasque de 75cl de sirop de menthe et l’autre d’eau avec un comprimé d’électrolyte, j’ai bu toute la menthe et décide de passer à un mélange st-Yorre / eau parce que je fais ce que je veux. Après Izourt, ça monte irrégulièrement jusqu’à un étang qui marquera la séparation des parcours de la Picariège et Picapica (la picariège file direct vers le refuge Fourcat alors que nous allons faire un crochet en Andorre). C’est dans cette portion que je distance peu à peu Chris que je ne reverrais plus.

Lac d'Izourt en Août

Lac d'Izourt en Août



Montée vers Petsiguer


Pic d’Endron ⇒ étangs de Petsiguer : 5h05 – 19,4km - 2452d+ - 100ème

Du pointage de Petsiguer, on continue de monter jusqu’au port de Albeille, à la frontière Andorrane et le temps passe très vite car ce n’est pas « très » technique, que les nuages ont disparu, que je me rappelle de ce passage pendant ma randonnée. A partir de là les écarts commencent à être importants entre coureurs, en gros on est espacé de 50-100m à chaque fois. Petite descente raide mais courable sous le port de l’Albeille pour remonter aussi sec en France au col de Tristagne, je double deux trois coureurs par ci par là et la descente dans les éboulis vers le refuge Fourcat passe crème.

Il faut faire un aller-retour au refuge pour le ravitaillement donc on croise les coureurs précédents sur 300mètres, mais aussi ceux de la PicAriège.

Une fois de plus, je ne traîne pas au ravitaillement : grand verre de coca – mélange St-Yorre/eau, des chips et ça repart.


Port de l'Albeille, ça pilque

Port de Tristagne, vu côté Andorran

Port de Tristagne, vu côté français - Etang Fourcat

Petsiguer ⇒ refuge de l’étang Fourcat : 6h39 – 25,8km - 3118d+ - 88ème

Ca repart pour la montée au pic de Malcaras et on croise donc d’abord les coureurs qui vont vers le refuge Fourcat, je guette Chris mais ne le vois pas, je me demande ce qu’il fout car il est censé être plus rapide que moi.

La montée au Malcaras, bien que courte, est raide mais on est nombreux du fait des Picariègeois qui vont comme nous à Soulcem. Il n’y a que 400m d+ pour atteindre le sommet, mais ensuite 1200d- pour arriver à la base vie de Soulcem. Bon c’est pas du faux plat descendant, plutôt entre 30 % et 40 % sur 3km, autant dire qu’il faut bien avoir serrer ses lacets pour éviter de compoter ses orteils.

Enfin ça passe bien même si la fin derrière un groupe que l’étroitesse du sentier m’empêche de doubler est un peu barbante.


Refuge ⇒ Soulcem 1 base vie : 8h16 – 31,7km – 3518d+ - 69ème

A la base vie, je mange une soupe un peu trop épaisse à mon goût et tout un tas de trucs pendant que mes pieds prennent le frais et se renokent (je les aide). J’ai mangé 2 compotes, un gel, une barre de céréale et un snickers sur ces 8 premières heures de course, en plus du grignotage sur ravito.

Au bout de 20min de pause ce qui est raisonnable, je repars avec le plein d’eau/St-Yorre dans une flasque, et de pulco surdosé dans l’autre (beurk).

En sortant de la base vie, les 2 parcours se séparent de nouveau et je me retrouve seul sur les quelques kilomètres faciles avant d’attaquer la montée vers les étangs de Caraussans et l’Andorre.

Lors de ma randonnée, j’avais complètement explosé dans cette montée / ce mur, alors je stresse un peu et j’essaie de me trouver un rythme soutenable sans trop d’effort. Je fais d’incessant calcul de vitesse ascensionnelle sur cette portion, et il semblerait que je tienne un 600-650md+ ce qui pour moi est excellent. Au sommet de cette rude montée, après avoir longé un des lacs où j’avais bivouaqué un mois plus tôt, on arrive dans un autre monde : celui des remontées mécaniques et du mirador d’Arcalis, ça fait bizarre de voir des touristes arrivés là-haut en sandalettes, mais à vrai dire c’est comme une parenthèse moelleuse au milieu de ce parcours sauvage.

Je fais le tour du mirador tranquillement, puis entame la descente roulante jusqu’au ravitaillement d’Arcalis, tenu entre autre par l’ancienne organisatrice de la Ronda del Cims.

vallon de Soulcem

Port de l'Albeille et de Tristagne de part et d'autre du pic Tristagne
vus depuis le mirador d'Arcalis


Soulcem ⇒ Arcalis : 10h55 – 39,3km – 4590d+ - 59ème

Ce ravitaillement est différent des autres, comme sur la Ronda, il est composé d’un petit buffet de crudités et fruits plutôt alléchant, Sauf que je n’ai pas envie de traîner, alors je me fais une petite assisette de pâtes froides, pastèques et melon, remplis les flasques de je ne sais plus trop quoi, et file sur le chemin de la Coma ou du col d’Arcalis qui commence tranquillement en longeant parfois des pistes, ce qui permet de digérer tout en profitant du réseau 4g andorran pour passer un petit coup de fil à madame.

Pour moi, c’est la partie la plus facile de la course (et siit une partie des sentiers de la Ronda), depuis Arcalis ça fait quelque chose comme 400d+ jusqu’au col, 300d- jusqu’aux étangs de l’Angonella, 400d+ jusqu’au pic de les fonts avec un petit passage technique en crête, et 250d- pour atteindre la cabane de Montmantell, le tout sur des sentiers plutôt « faciles » comparés au reste de la course. Franchement rien à signaler sur cette jolie portion faite seul avec 3-4 gars à 200 ou 300 mètres derrière et deux gars en vue de temps en temps au loin devant...Une simple pause avant le passage en crête pour bouffer une compote ou barre mais sinon le rythme était régulier. Les places gagnées sont donc à mettre au crédit de ma pause rapide au ravitaillement d’Arcalis.



Arcalis ⇒ Cabane de Montmantell : 13h19 – 47km – 5510d+ - 53ème

De la cabane de Montmantell, il faut revenir en France en montant 200d+ environ au port d’Arinsal, autant dire que ça passe vite, on longe deux superbes lacs encaissés, et le col est étroit, c’est de toute beauté !

La descente derrière de presque 900d- jusqu’à la cabane de Crouts est moins rigolote sur sa première partie, mais je rattrape un gars, prénommé Samson, avec qui je ferai une grosse partie du reste de la course, parfois devant, parfois derrière, parfois ensemble. L’air de rien, en discutant un peu, le temps passe plus vite, mais on est aussi plus souvent distrait ce qui nous fait rater deux-trois fanions, sans conséquence autre que quelques secondes perdues.


Etangs de Montmantell sous le port d'Arinsal
Descente du port d'Arinsal


Montmantell ⇒ Cabane de Crouts : 14h47 – 52,2km – 5808d+ - 52ème

Le ravitaillement de la Crouts est sommaire : deux tentes en haut du vallon de Soulcem. Je m’y assois sur un tabouret pliable est pour la première fois de la course, je me sens fatigué. J’ai même un peu de mal à manger et me demande si ma ceinture ventrale ne me serre pas un peu trop. Je me force tout de même à grignoter ce qui traîne, et remplis une flasque d’un mélange eau-coca-st-yorre à la con avant de me forcer à repartir pour m’arrêter 150m plus loin car je décide de me préparer à la nuit en profitant d’un beau rocher pour poser le sac : je range ma casquette et mes lunettes de soleil pour les remplacer sur la tête par la frontale, ce qui me prend environ 3heures…

Je constate que je ne suis pas le seul manchot à perdre du temps avec mes affaires puisque Samson s’arrête également pour enlever la veste qu’il avait mise au sortir du ravitaillement, et un autre coureur, Thomas, avec qui je ferai une partie de la montée jusqu’au Pic de la Soucarrane met ses belles manchettes Andorra Ultra trail. Mise à part cette petite pause, la montée jusqu’au port de Bouët se passe sans encombre, quelques randonneurs ont posé leurs tentes au lac de la Soucarrane, ils y passeront une nuit éclairée par les frontales des coureurs qui défileront toute la nuit. Thomas est bavard mais un peu trop rapide pour moi, il s’éloigne inexorablement lorsqu’on atteint les pentes plus techniques de la crête menant au pic de la Soucarrane et que j’allume la frontale. Il y a 400m de dénivelé à effectuer sur la crête, c’est raide et technique, je me cogne une fois le crâne sur un rocher en passant une marche un peu haute, je cherche parfois le prochain fanion, j’en ai vite marre de cette crête de merde…En arrivant au sommet, des bénévoles nous accueillent : « alors ?? on est pas bien là-haut !! » « »si si mais faut que je redescende moi, je monte, je descends, je remonte, je redescends, un éternellement recommencement » Enfin c’est vrai qu’on est bien, il fait doux et on aperçoit les frontales clairsemées derrière nous le parcours quasiment depuis le port d’Arinsal.

Port de Bouët

Crête du pic de la Soucarrane (juillet)

Crête de la Soucarrane, Etang de la Soucarrane (juillet)


Crouts ⇒ Pic de la Soucarrane : 16h59 – 57km – 6836d+ - 48ème

Le début de la descente du pic de la Soucarrane est raide mais ça roule à peu près, c’est à partir du port de Roumazet 300d- plus bas que ça se gâte puisque le sentier disparaît sous les cailloux pendant quelques 300d- encore, c’est usant et je rattrape une coureuse belge qui montait très bien mais semble en avoir ras la casquette des descentes (elle abandonnera à Soulcem). Vers 2250m, ça devient un peu plus roulant, même qu’il y a un passage plat dans de l’herbe qui me fait sauter de joie. Puis une bénévole sortie de nulle part interpelle : « Attention, il y a des marches glissantes plus loin ! » Là je me dis que pour qu’un bénévole nous prévienne de la difficulté., doit y avoir une vacherie quelque part… Ben non, en fait j’ai pas vu de différence avec le reste de la course, au contraire, bizarre ce coup là.

Bon on finit la première partie de la descente à l’étang de Roumazet, et on pourrait continuer tranquillement de descendre jusqu’à Soulcem sauf que ça serait trop facile. Donc ça remonte sur 300+ pour aller chercher les étangs de la Gardelle (d’aucun affirme que ce sont les plus beaux lacs des Pyrénées, c’est exagéré…). Sur cette remontée, je suis pris de haut-le-cœur, faut dire que mon ventre me faisait un peu souffrir depuis le dernier ravitaillement. Obligé de m’arrêter quelques instants, plusieurs coureurs me doublent aussitôt alors que je ne voyais aucune frontale derrière. Je vomis un peu et ça fait du bien, les petites douleurs abdominales ont instantanément disparu.

On finit par arriver au petit col avant les étangs, il ne reste plus qu’à descendre 800d- tout de même et c’est looooooong… Impossible d’avoir un rythme correct et Samson me redouble à ce moment, il me dit de m’accrocher mais j’ai un peu perdu la foi en mes « qualités » de descendeur et je manque de me péter la gueule plusieurs fois, bref il file.

Dans cette descente bien technique je manque de lucidité, je n’arrive pas à comprendre que les lumières tout en bas viennent de voitures sur la route qui monte à Soulcem et je pleure intérieurement en pensant que ce sont des coureurs et que c’est trop loin et bam… un rocher dans le genou, une cheville qui vrille un peu, une semelle qui glisse, un bâton qui dérape.

un des étangs de la Gardelle (juillet) 


Soucarrane ⇒ Soulcem 2 base vie : 20h02 – 65,6km – 7365d+ - 57ème

J’arrive à Soulcem pour la seconde fois samedi matin à 1H. Juste avant la tente, le camion du vendeur de Burger me demande si j’en veux un (gratuit pour les coureurs), of course que j’en veux ! On me l’apporte dans la tente et il est délicieux !!

Ici je me change entièrement, je renoke les pieds (la plante commence à être très douloureuse), bois une demi orangina, mange beaucoup de jambon de pays, deux sandwichs au pâté, des pastèques, du chocolat, je crois que j’ai tout goûté en fait...Et je tente une sieste dans une tente prévue à cet effet un peu plus loin, sauf que j’ai la flemme de mettre un vêtement plus chaud, mes boule quiès et de prendre un truc en guise d’oreiller donc forcément je passe 15min allongé mais impossible de trouver le sommeil. De toute façon c’est pas mon heure il est encore trop tôt, tant pis je repars en remplissant mes flasques de coca/eau et sirop de citron et en prenant un coupe-vent léger en plus car je crains le froid du petit matin sur les sommets.

1h de pause en tout et j’ai l’impression de m’être bien requinqué, et il faut ça pour la prochaine montée à la réputation sulfureuse : le col du Riufret 1300m plus haut.

Ma bonne impression fera long feu et si les 200 premiers mètres de dénivelé positif se passent bien, le reste de la montée sera un calvaire, entrecoupé de multiples pauses, de grimaces, d’insulte des organisateurs. C’était dur mais avec le recul, lorsque j’avançais ça allait et je ne me suis fait doublé que pendant mes arrêts. Chris ayant fait cette montée de jour me confirmera qu’il vaut peut-être mieux la passer de nuit, ça évite de se poser trop de questions !


A 2700m, soit 250m de d+ sous le col, un gars redescend : « bah qu’est-ce que tu fais ? » « je redescends, j’abandonne » « hein, mais il ne te reste rien, et la descente de l’autre côté et beaucoup plus facile pour abandonner » « non, je ne veux plus rien monter, je rentre à Soulcem »

Je ne comprends toujours pas sa décision…


Au bout de 4h30 environ, me voilà au col du Riufret et le sentiment de soulagement est énorme, dans ma tête c’est bon, je vais finir cette course.

En revanche ça caille sec ! Et il y a beaucoup de vent ici donc j’enfile mon coupe-vent, ma veste de pluie et les gants ( 10 minutes top chrono, la bénévole du col m’a même proposé de m’aider tellement je m’y prenais comme un manche avec le vent). Il reste un petit 100d+ jusqu’au Montcalm, tranquillement je les grimpe mais les haut-le-cœur me surprennent à nouveau : deuxième petit vomito qui soulage un peu moins que le premier.

Bippage au Montcalm, premier des quatre 3000 de l’épreuve, tous regroupés en 3km environ


Les 3 autres 3000 depuis le Montcalm (Juillet)

Soulcem ⇒ Pic Montcalm : 25h10 – 71,7km – 8879d+ - 43ème

De Montcalm on revient au col du Riufret, puis remonte vers le pic d’Estat et Verdaguer, ou les bénévoles sont blottis comme ils peuvent à l’abri du vent. Je n’avance pas très vite mais les quelques coureurs autour de moi sont encore plus lents, ce qui rassure.

Le soleil se lève petit à petit et on sent l’énergie monter avec lui, une nouvelle journée commence !


Montcalm ⇒ Pic d’Estat : 25h40 – 72,9km– 8985d+ - 41ème


Le Sulho c’est le petit 3000 bonus pour voir si on a bien suivi le jeu : 3km en 1h20 pour l’aller-retour avec une fin d’ascension compliquée où j’ai hésité à ranger les bâtons.


Estat ⇒ Pic Sulho : 26h57 – 75km – 9249d+ - 40ème


Je rattrape Samson dans la descente vers le refuge du Pinet, où l’on croise Mic31, organisateur du trail des Citadelles, venu photographier les coureurs du marathon notamment. D’ailleurs un peu plus bas, voilà les premiers qui déboulent, d’abord au goutte à goutte, puis par paquet de 10-15, ce qui va bien ralentir notre descente car notre bienséance nous force à leur laisser le passage. Cela occupe néanmoins l’esprit, je reconnais Nuria Picas notamment largement en tête chez les femmes, un peu avant d’arriver au refuge du Pinet où un petit ravitaillement nous attend.


Sulho ⇒ Refuge du Pinet: 28h46 – 79,6km – 9395d+ - 40ème


Samson repart presque aussitôt vers l’Artigue mais je préfère m’asseoir quelques minutes, je le rejoindrais à l’Artigue après une descente facile par rapport au reste de la course.


Pinet ⇒ L’Artigue : 30h01 – 84,4 – 9427d+ - 39ème

Un grand merci aux bénévoles de l’Artigue, au petit soin comme jamais, je me pose ici quelques minutes encore, le temps de bien manger et on repart ensemble avec Samson pour l’ascension du Pic Rouge de Bassiès (1400d+, deuxième gros morceau avec le col du Riufret)

Le début de la montée au pic Rouge de Bassiès qui est plutôt blanc s’effectue sur un large sentier qui ne monte pas trop, ça permet de récupérer ou se préparer au pire, puis le sentier au bout de presque deux kilomètres part sur la droite et devient beaucoup plus étroit, en devers, franchement pas agréable. Enfin, on quitte la végétation pour zigzaguer entre de grosses dalles et des passages herbeux. C’est raide, il faut beaucoup monter les genoux, un coureur nous rattrape pendant une petite pause, on continue à trois, puis je fais une mini hypo et les laisse partir devant, 200m sous le sommet. Heureusement mes forces reviennent vite et je les rejoins au pic, 3h45 après avoir quitter le ravitaillement 6,5km avant.


Faut désormais rejoindre le refuge de Bassiès, ce qui me prendra deux heures pour 1000d- environ car ça traîne pour descendre franchement, et les sentiers sont techniques comme toujours, je lâche mes deux acolytes du moment car j’ai envie de terminer cette course au plus vite, au diable les douleurs plantaires…

On finit par apercevoir le refuge au fin fond d’un vallon et je manque cruellement de patience à cet instant, ça m’agace de le voir si loin, je me sens énervé comme un parisien au volant.

Heureusement, il règne une atmosphère de quiétude dans ce refuge et c’est un jeune garçon qui m’accueille en criant :  « Heyyyyy!!!! on a un client !!!!! » Le client apparemment, c’est moi.

Le garçon m’accompagne jusqu’au refuge en me questionnant :  « tu aimes les chips ?, tu aimes les compotes ? Tu aimes le jambon ? » « j’aime tout et j’ai faim ! »


Je me pose à la table du ravitaillement et me goinfre joyeusement en discutant de la fin de parcours avec un bénévole bien informé du tracé, en gros 300d+, un replat, un dernier coup de cul et ça déroule jusqu’à l’arrivée.

Je note ça dans ma tête et repars lorsque Samson arrive en lui disant : « normalement les 40h sont jouables » mais il paraît perplexe.

Etangs des Lavants en descendant du Pic Rouge de Bassiès

L’Artigue ⇒ Refuge de Bassiès : 36h17 – 97,2km – 11 026d+ - 35ème


Et oui c’était jouable, largement, je fais la montée à fond puis je marche vite jusqu’au dernier coup de cul, et trottine jusqu’au port de Saleix.

Un bénévole me prévient : « attention il y a un passage très raide puis c’est bon »

« Ok ok, mais vu ce qu’on a traversé, ça va aller merci »


Merde il avait raison, un passage raide dans une herbe poussiéreuse m’a surpris et je suis parti sur les fesses… Dommage j’aurai pu arrivé à peu près propre c’est fichu. Ensuite ça déroule à peu près, je fais plusieurs kilomètres autour de 9min au kilomètre, une fusée quoi.

Tellement fusée que je tape dans une racine et m’étale sur le ventre cette fois, hé oh on se calme là, pouce !

Je finis par voir Auzat, et même le stade d’arrivée sur la droite en contrebas, la descente n’est pas raide mais parfois caillouteuse, mes derniers calculs me confirment que même les 39h sont jouables, je commence à sourire bêtement même si j’en ai marre et que je souffre quand soudain une sensation étrange et nostalgique me traverse : mes pieds foulent du goudron !

C’est la fin !

Refuge de Bassiès ⇒ Auzat arrivée : 38h57 – 108,9km – 11 445d+ - 35ème

vendredi 30 août 2019

GRP Tour des Cirques 120km 7300D+

Piau-Engaly, la navette nous dépose peu avant 10h du matin au pied du départ de l'épreuve. J'ai les cuisses courbaturées d'une sortie de 6km 500D+ 3 jours avant, que j'avais voulu faire pour "tester" mon genou dans une petite descente de montagne. Logiquement ce genre de sortie ne me laisse pas de trace, mais après 1 mois sans dénivelé suite à mon abandon sur la Ronda del Cims, mon corps réagit tout à fait différemment.

Du coup le départ donné, je ne suis pas super serein mais j'espère tout de même un temps autour des 28-30hrs. Les 8 premiers km sont sur un terrain facile, piste de ski plus ou moins raide avec un retour sur la station de Piau pour un premier ravitaillement. La descente ne se passe pas super bien, je n'ai pas mal au genou mais les cuisses chauffent déjà, me dis que ça va passer, que j'ai le temps et que le saucisson est bon.
Au dessus de Piau Engaly
 On est près de 650 me semble-t-il et le peloton a du mal à s'étirer, je dois être dans le ventre mou comme à mon habitude en début de course. Ca s'élève tranquillement pour passer le port de Campbieil, je ne crois pas forcer vraiment, mais c'est pas facile non plus, on atteint les 2610m de ce col et 15km de course, c'est le sommet du parcours qui marque le début d'une longue descente jusqu'au ravitaillement de Gèdre, 10km et 1600m plus bas. A priori, j'adore les descentes et j'en profite toujours pour me lâcher, doubler, prendre du plaisir. C'est ce que je fais dès l'entame de celle-ci, qui en plus est agréable et facile. Sauf que. Que mes cuisses, qui peut-être sont trop sollicitées pour protéger le genou, ou manquent peut-être d'entraînement sur ce dernier mois, ou quoi ou qu'est-ce, sauf que mes cuisses disent non. Ralentis, marche, me lancent-elles avec leur accent particulier si difficile à retranscrire à l'écrit. Je ne suis pas du genre contrariant, mais tout de même, au bout de 15km de course, j'exige habituellement d'elles qu'elles la ferment. Ca me rend bougon. 
Montée au port de Campbieil
Et à Gèdre, 25km de course en 4h15, dans les 200-300ème, je suis déjà épuisé. Je crois que  Marion m'appelle à ce moment et j'en profite pour me plaindre. Repose-toi me dit-elle, tu as le temps. Pas con la meuf ! Je reste donc 30 minutes au ravitaillement, à goûter les mets entreposés sous la tente, remplir mes flasques, espérant le retour de l'énergie nécessaire à la portion suivante dont j'ai fait une reconnaissante assez complète l'année précédente (sans savoir que je ferai la course). En effet, la sortie de Gèdre marque l'entrée dans le bois de Coumély, via le sentier Raymond je crois bien, et ça monte sec jusqu'aux granges de Coumély. 

lac des Gloriettes
Manifestement, les 30min de pause à Gèdre n'ont pas suffi. Je suis d'une lenteur affligeante, je me repose sur mes bâtons tous les 50md+, je souffre jusqu'au replat précédent le lac de Gloriettes. Je me sens faible, je me gave de gels, de compotes, je bois beaucoup, ça ne change pas grand chose. Enfin j'arrive tout de même à suivre les coureurs sur les replats, et le tour du lac relativement plat se passe bien, je sais qu'il y a un peu de répit avant la montée à la Hourquette d'Alans, au 38eme km. Nous remontons tranquillement le gave d'Estaubé qui mène au cirque du même nom, la lumière est belle, il fait chaud et j'en profite pour m'allonger sur l'herbe, à l'écart du sentier, je m'octroie 15min les yeux fermés, et je tente une barre énergétique goût salé : tomates, chia et plein de trucs sur la liste d'ingrédient qu'avec ça si je pète pas le feu en repartant je comprends plus rien. 

Cirque d'Estaubé
Refuge des Espuguettes, brèche de Roland au loin
Et ben ça fait du bien, franchement, je m'accroche à un petit groupe mené par un V3 ou V4 affûté, et je monte plutôt correctement la Hourquette d'Alans. Le chia ferait-il son effet ? Je me dis que oui, et je file dans la descente vers le refuge des Espuguettes, qu'on voit là, en bas. Enfin mes cuisses ont l'air de répondre mieux que tout à l'heure, je descends correctement, et achète deux Oranginas au refuge. Allez hop c'est quoi la suite ? Ca continue de descendre jusqu'à Gavarnie, prochain ravitaillement à 50 km de course. Le chemin est facile, on passe tout près du cirque, c'est beau, l'après-midi se termine, je n'ai pas un rythme d'enfer mais je ne me fais plus dépasser. Et Gavarnie arrive vite finalement malgré une bifurcation ratée qui me fait perdre moins de 500m. C'est l'heure du souper (pâtes, soupe, salade de fruits), et du passage en mode nuit.
Cirque de Gavarnie
 La suite a l'air chiante, faut redescendre à Gèdre d'abord, puis à Luz, avec 3 coups de cul de 300,400 et 200d+. Je confirme que c'est chiant, surtout de nuit, surtout quand l'énergie nous manque, surtout quand, après 30 nouvelles minutes de pause à Gèdre, on doit s'arrêter tous les 100m pour retrouver de la force, fermer les yeux, mettre la veste parce qu'on a froid, l'enlever de nouveau, la remettre, se mettre à genou pour vomir, croire que ça descend et que ça remonte... Et qu'on arrive à Luz 6h50 plus tard pour 21km. globalement descents.

Luz, 3h20 du matin, 17h20 de course et 71km, 268ème. Pâtes, change complet, orangina, soupe, 1h allongé dans la salle de repos, peut-être 10min de dodo, pâtes. A 5h03, je ressors de Luz à la 298ème place, on va monter tranquillou jusqu'à Barèges, puis le refuge de la Glère, avant d'entrée dans le vif du sujet, et j'ai hâte car je me sens franchement mieux. D'ailleurs, après une petite pause café-soupe à Barèges, j'entame la montée facile par la piste jusqu'à la Glère à très bon rythme, pour la première fois de la course je laisse des gars sur place, et discute avec d'autres avec bonne humeur, aujourd'hui est un autre jour, pensè-je.
Montée technique au refuge de la Glère
Je ne traîne pas à la Glère qui marque l'entrée dans le Néouvielle, terre de caillasses informes, lacs multiples et chevilles en vracs, on s'y amuse bien en général, surtout que cette année, on nous a mis du rab avec un enchaînement Hourquette de Mounicot, Col de Madamète et Hourquette Nère digne de Belledonne, avec un petit passage ravitaillement à la cabane d'Aygues-Cluses. C'est pas pour dire, mais sur cette portion, je vais tellement plus vite que les autres surtout en descente (pourtant personne n'y court) que je prends le temps de me baigner dans le lac Nère jusqu'à la taille. Ca fait un bien dingue, de quoi finir cette coursette dans la bonne humeur. 
Lac de la Glère





Je fais tout de même une bonne pause à la cabane d'Aygues-Cluses et avant le sommet de la Hourquette Nère, car je sais que les 30hrs ne sont plus jouables, et qu'il suffit de finir tranquillement désormais. La descente vers le lac de l'Oule, que j'avais déjà emprunté sur le 80km en 2014, n'est pas très facile et il faut être super attentif, les premiers du 80km m'y dépassent parfois, mais je garde un rythme très correct jusqu'au dernier ravitaillement : le restaurant Merlans dans lequel je ne m'éternise pas car j'ai hâte d'en finir.

La dernière portion est une formalité que j'exécute tout en courant, douleurs au genou et cuisses envolées. Je termine en plus de 31h, avec un sentiment mitigé au vu de ma première journée dans la souffrance et sans énergie, contrastant avec le plaisir dans le Néouvielle et le simple bonheur de terminer.




mardi 30 mai 2017

Grand Raid 73 - 27 mai 2017 - 73k 4800D+

Mai 2017, le week-end Grand Raid 73 ressemble ce que l'on pourrait appeler un week-end choc : rando bivouac pour reconnaître une quarantaine de km de la course avec les deux grosses difficultés du parcours le jeudi et une portion plus simple le vendredi pour arriver au départ des 73km le samedi matin pas trop entamé.

Malgré mes efforts sur le gain de poids, je me suis trimballé un sac à dos de près de 10kg le jeudi et vendredi (dont 2.5 litres d'eau) et avec près de 40k et 2600D+ sur les deux jour, je ne me sens pas des plus frais le samedi matin après une courte nuit dans un camping de Saint-Pierre d'Albigny.
Mon objectif est donc simple : partir doucement et voir ce qui se passe...
Profil et roadbook 13h emprunté à Bubulle
1ere étape Cruet - Lac de la Thuile : 19km 1400D+
Des douleurs aux fessiers m'accompagnent dès les premiers kilomètres, je pense être en fin de peloton et je trouve que ça va très vite, ça m'inquiète un peu pour la suite d'autant que la chaleur me dérange beaucoup en ce début de journée, je scrute l'altitude sur ma montre et je commence mes calculs sur le dénivelé et les kilomètres restants, c'est pas très bon signe si vite. J'arrive au 1er ravitaillement en un peu plus de 3heures, j'ai bu 1.5l d'eau, je suis totalement trempé de transpiration. je repars de ce ravitaillement assez vite et juste avant Sofian, alias St-ar, croisé le dimanche précédent à la colline d'Elancourt, qui va subir un gros coup de mou et finira courageusement !

2eme étape Lac de la Thuile - Aillon le jeune : 40km 2900D+ 7h de course 
A partir du lac que j'ai quitté avec 2l d'eau sur moi, j'ai reconnu le parcours et ça me rassure, la montée au pic de la Sauge depuis La Rongère m'avait paru assez difficile. Je crains de choper un coup de chaud sur les premiers hectomètres (pourtant la montée et en grande : je trempe casquette, buff et mon gobelet dans un petit ruisseau pour m'asperger et je prends un train de 4 coureurs dont le rythme semble régulier.

Lac de la Thuile en montant vers le pic de la Sauge
Au fur et à mesure que l'altitude s'élève et peut-être que quelques nuages viennent cacher le soleil, je me sens mieux, sans avoir l'impression d'accélérer je distance un peu mes compagnons du moment, puis je vois William (Double_U), avec qui je monte quelques centaines de mètres mais décidément je me sens bien, je file vers le pic de La Sauge assez facilement, et j'enchaîne avec la Galoppaz, 
après une petite redescente facile.



Pointe de la Galoppaz


François Camoin, l'organisateur de l'Ultra Tour du Beaufortain - auquel je participerai pour la troisième fois cette année - sans doute bénévole pour l'occasion est en train de redescendre, pendant que nous on monte vers la pointe qui marque la fin de la première grosse difficulté du jour. Ça fait 30km et ça va bien rouler pendant une dizaine de kilomètre désormais. Après une descente assez raide mais rapide, un petit ravitaillement en eau super fraîche est le bienvenu (j'ai de nouveau bu près d'1.5l), je m'arrose allégrement pour entamer une portion très facile sur le papier, sauf qu'un petit coup de mou venu de je ne sais où vient contrarier ma progression. Du coup je marche dans beaucoup de portion vraiment plate, j'en profite pour essaye de soigner mon alimentation, et je me dis qu'il est peut-être judicieux de temporiser vu la grosse montée jusqu'au Mont Colombier qui nous attend.
Je trouve les ressources pour trottiner un peu sur la route menant au ravitaillement d'Aillon. Une bénévole m'annonce 50ème, j'en ai rien à cirer mais c'est rond.
Arrivée à Aillon-le-jeune - photo @pierregut
La nourriture du ravitaillement est en plein soleil, les boissons sont tiédasses du coup je rentre dans une salle un peu plus fraiche, avec un bol de soupe aux pâtes et je prends mon temps. Deux gars à côté de moi décident d'abandonner, ils parlent de bière bien fraîche au bord de la piscine en rentrant, pas moyen que je traîne trop ici quand même. Pendant que je refais le plein de boissons, un coureur vante les bienfaits du massage et repart tout guilleret et une coureuse avec qui j'ai fait le yoyo depuis la descente de la Galoppaz (je la passais dès que c'était descendant, elle me redoublait dès que c'était plat ou montant) repart également juste avant moi. 

3eme étape : Aillon-le-Jeune - Mont Pelat 58km 4400D+ 10h50 de course
Elle semble avoir un rythme très régulier donc j'essaie de la garder en vue mais pas moyen de l'accrocher sur la portion assez plate menant au début de la montée jusqu'au Col de la Cochette. Du coup je me retrouve seul, pendant longtemps, alors qu'une ascension de 1100D+ s'annonce (de 900m à 2000m environ). C'est long quand même 1100m... du coup je me persuade qu'il ne faut monter que jusqu'au col de la Cochette, à 1660m, et j'essaie de ne pas penser à la suite. Il n'y a pas un chat dans cette portion, et ce n'est qu'approchant le col, lorsque la vue est un peu plus dégagée que j'aperçois assez loin devant la coureuse régulière, puis le coureur qui s'était fait massé qui fait une pause récup-alimentation.
J'avance relativement bien jusqu'au col de la Cochette, bien que sentant poindre un coup de bambou que j'espère repousser jusqu'au sommet du Colombier. Malheureusement, le début de la montée du Colombier m'est fatale : j'ai la coureuse en point de mire mais elle s'éloigne inexorablement, je m'assois au bord du sentier quelques minutes, il ne me reste qu'une compote que je savoure et je regrette de ne pas avoir autre chose qui me donne envie. Reparti d'Aillon avec 2 litres d'eau, je n'ai peut-être pas bu assez sur cette portion, et la boisson énergétique semble trop diluée pour contenter mes besoins. Le coureur massé me rattrape pendant cette pause, il m'explique qu'il a eu un coup de mou également plus bas, qu'il a bien mangé a pris son temps et que la forme est revenue. Ça me remotive pour partir tant bien que mal, une autre coureuse me double également pendant ma pause, elle a une foulée ultra-légère dans cette montée, j'ai l'impression d'être un hippopotame à côté...
J'atteins quand même le sommet, je ne m'y éternise pas surtout que ça descend pendant longtemps désormais : youpi !!!
J'attaque la descente tout simplement à fond, comme lors d'une sortie du dimanche, c'est raide sur 300 mètres maxi mais je rattrape les deux coureuses, et deux ou trois autres gars. Jusqu'aux chalets de la Fullie, je sais que la descente me convient bien, c'est souple et ludique, je fonce, je ne m'arrête même pas au robinet du chalet parce qu'il me reste un bon 750ml et seulement 5km jusqu'au ravito du Mont Pelat : ça me permet de dépasser une nouvelle triplette de coureurs (dont une coureuse, si je pouvais faire un top 10 féminin ça serait cool...).
Les chalets de la Fullie, et le Colombier derrière, la veille de la course
En bref du Mont Colombier jusqu'à la Fullie, soit 5km de descente, c'est l'euphorie, de courte durée... Nous sommes au 53ème kilomètre, il en reste 5 jusqu'au ravito du Mont Pelat, j'ai fait ces 5km la veille, en rando tranquille et je me disais : là y a moyen d'aller vite, si je suis bien tout peut se courir. Sauf que je ne suis pas bien, et je n'ai pas couru 1cm. Tous les coureurs dépassés depuis la descente du Colombier me rattrapent exceptée la coureuse régulière. J'ai chaud, j'ai faim, j'ai soif, j'ai mal aux jambes, j'en ai marre, je me sens fatiiiiiiiigué !
Au détour d'une mini côte pourrie qui ne sert à rien d'autre que m'emmerder, un gars dans le sens opposé me photographie : je dois pas être à mon avantage... et c'est Bubulle le gars en question ! Il remonte la course en sens inverse, et il m'informe de la distance et des difficultés (deux coups de culs) jusqu'au ravitaillement. Un bon 2km et 150mD+ et ça devrait le faire, ça l'a fait en près de 40minutes je crois bien...
Heureusement, c'est le ravitaillement de la délivrance : un gars m'invite à m'assoir, m'asperge le visage, les genoux, ça fait un bien fou. Je reste un bon quart d'heure assis à grignoter tout doucement en me forçant car tout m'écoeure un peu. Le gars massé fait son apparition, il m'invite à tester le massage qui l'a requinqué pour la deuxième fois de la journée : vu que je ne compte pas repartir de si tôt, je décide d'en profiter et je ne regrette pas car en 10-15 minutes, autant de relaxation que de massage, toutes mes petites douleurs aux muscles et articulations se sont comme évaporées, un grand merci à la masseuse qui connait bien son affaire !

Colombier depuis Mont Pelat
4eme étape et fin: Mont Pelat - Cruet 73km 4800D+ 13h20
Le temps de faire le plein de cerises et je repars en super forme, je sais à quoi m'attendre jusqu'au col de Marrocaz, globalement de la descente sauf un passage limite hors sentier qui m'avait surpris la veille mais que je passe sans encombre. Personne en vue, les écarts se comptent probablement en longues minutes désormais. Après ce col, c'est assez vallonné mais je garde un bon rythme jusqu'au dernier ravitaillement de Montlambert où je ne m'éternise pas. Il reste 5km de descente, les douleurs et la fatigue reviennent donc je finis tout doux en rêvant de m'allonger et de ne plus bouger jusqu'à la fin de mes jours... 1h50 pour les 15 derniers kilomètres, c'est raisonnable et ça donnera au final 13h20 de course pour franchir la ligne et mériter mon opinel !
Je ne regrette absolument pas d'avoir participé à ce trail simple et efficace dans un environnement superbe, et très content d'avoir rentabilisé le trajet avec quelques 115km et 7500D+ sur 3 jours : merci les Bauges !





mercredi 31 août 2016

Je crois que j'ai Belledonné (bis)


Août 2015, je termine le 85km de l'Echappée Belle en 25h, en ayant souffert dès le 30ème km. Il est hors de question pour moi à ce moment d'envisager l'Intégrale et ses 144km.
Janvier 2015, je m'inscris à l'Intégrale.

Je ne sais toujours pas ce qui m'a pris. Ou plutôt : la date et le lieu me conviennent, puis ça m'agace d'entendre que les 65 premiers kilomètres sont les plus beaux et les plus durs.

Pourtant mon « objectif » de l'année reste de boucler l'Ultra Tour du Beaufortain, je ne pense à l'Echappée que très vaguement, comme si je n’étais pas réellement inscrit.

Puis vient l'été, un UTB que je termine en assez bonne forme et avec la chance d'avoir éviter les orages, je me dis que finalement, l'Echappée va arriver, qu'elle marquera la fin des vacances et autant en profiter.

Une dernière grosse semaine de montagne dans les Pyrénées mi-août, puis 15 jours de récupération en Bretagne me permettent d'arriver en bonne forme la veille de la course, même confiant mis à part une cheville toujours un peu douloureuse depuis le début de l'été.
Je covoiture depuis les Yvelines avec Christian et Pierre-Yves, deux ultras-traileurs confirmés (PTL, Tor, Ronda et j'en passe) qui énumèrent leurs exploits plus fous les uns que les autres. Ca calme un peu mes ardeurs, et je m'imagine être le seul concurrent n'ayant jamais dépassé les 100km, au milieu de 500 habitués des ultras. Pour couronner le tout, je fais le trajet Aiguebelle-Vizille où je dormirai la veille du départ avec Françoise et Xavier, qui sortent de 300km à la Transpyrenea en juillet, enchaînent avec l'ultra trail du Vercors ensuite, bref, que des fous furieux sur cette course ou quoi ???????

Dormir à Vizille est une bonne idée, qui permet un réveil à 5h au lieu de 2h30 pour ceux qui prennent la navette à Aiguebelle.
Je quitte l’hôtel un peu à la bourre et arrive sur l'aire de départ à 5h55, le temps de déposer mon sac d'allégement sacrément plein, et c'est le départ, pas le temps de stresser un seconde !

La stratégie est simple : lentement tout le temps !!! sauf en descente mais la première vraie descente n'arrivera qu'après la Croix de Belledonne après le 30ème km. Du coup j'avance en me faisant doubler régulièrement et le temps lui n'avance pas trop... je me fais chier quoi !


Au refuge d'Arselle 3h05, 16,6km, 1481D+m, 377ème
Plein d'eau, mélange eau-coca dans un bidon qui va dégazer pendant un bon moment, je me gave comme d'habitude de tout ce que je trouve, et emporte deux morceaux de bananes pour la route,
J'y retrouve Pierre-Yves et Bruno, rencontré à Aiguebelle la veille, nous repartons ensemble. Les deux sont très bavards ! A tel point que Bruno nous laisse partir parce qu'il sent que le cardio monte trop en parlant, puis c'est à mon tour de laisser Pierre-Yves s'échapper. Le terrain devient de plus en plus technique, on commence à voir de beaux lacs, et il ne fait pas encore chaud donc tout va bien et je commence à prendre du plaisir. Quelques rapides pauses photos scandent mon périple qui s'annonce des plus agréables.
Lac Achard
Derrière le col de la Botte

Lacs Robert
Lac Claret sous le refuge de la Pra
 Refuge de la Pra 6h03, 28,1km, 2381D+, 319ème
20 minutes de pause ici, le temps de déjeuner tranquillement puisqu'il est midi. Je me crème les pieds car je sens qu'ils s'échauffent dangereusement, et je regrette d'avoir choisi des chaussettes neuves pour ce début de course, alors que d'habitude elles ont au moins un lavage. Pierre-Yves me propose de repartir ensemble mais j'ai encore quelques minutes à passer ici pour remplir mes bidons. J'essaie d'y mettre des pastilles d'Isostar que je croie effervescentes. Ben en fait non, elles restent bêtement au fond du bidon, limite en me narguant et surtout en ne faisant aucune bubulle d'effervescence ?!! bah merde, ça se croque alors ??? J'avais pris ça au dernier moment dans le but de varier un peu avec mes boissons ISO+ de chez Décathlon... bref, j'en croque une et ça ressemble à une vulgaire vitamine C, très moyen mais je ne m'en offusque pas et repart sur le même rythme qu'en arrivant... Heureusement j'ai pas le bidon fragile, ça reste un bon point.
lacs du Doménon
 Le prochain objectif est simple : la croix de Belledonne 5km et 900mD+ plus loin, sommet du parcours. Je l'atteins avec la patate. Robin G, déjà croisé à l'écotrail de Paris, Christian et Pierre-Yves y sont déjà, profitant de la vue avant d'entamer la redescente.
Je prends une petite vidéo 360 trop rapide, quelques photos floues ou avec mon doigt sur l'objectif, deux selfies grimaçants. 
Vers la croix de Belledonne


Sommet du parcours
 Donc là ça descend grosso merdo jusqu'au refuge Jean Collet, avec une petite remontée par le col Freydane, Belle partie où je me lâche, enfin ! Je rattrape Pierre-Yves qui descend à peu près comme moi, puis Robin, puis plein d'autres en me laissant aller, mais sans prendre de risque.

Lac blanc
 La plupart du temps, les coureurs devant se rangent agréablement sur le côté lorsqu'ils m'entendent arriver, et j'en fais de même en me faisant doubler, une courtoisie bienvenue qui permet de prendre encore plus de plaisir. A l'approche de Jean Collet, « Jam » et « Nico2000 » me rattrappent, je ne les connais pas mais leurs attributs kikouresques m'obligent à les interpeller, c'est l'usage. Jam en profite pour faire une sympathique chute sans gravité, de celle qui font simplement sourire mais n'effraie pas. Enfin au moins ça court, et Jean Collet s'approche.

Jean Collet 9h38, 39,2km, 3238D+, 286ème
J'aime bien cet endroit, en plus ça capte ! Un petit coup de fil à ma femme tout en profitant d'une soupe et d'un sandwich fromage saucisson un peu à l'écart me requinque. Un hélicoptère vient déposer un secouriste près du refuge, je le regarde comme un enfant, je remange encore et je retrouve Pierre-Yves qui m'avait suivi à quelques dizaines de mètres depuis la croix de Belledonne, du coup nous repartons ensemble pour affronter le col de la mine de fer. J'imprime un rythme sans doute trop soutenue au départ et Pierre-Yves me dit que je vais un peu trop vite pour lui, je ralentis un peu mais je finis par le lâcher petit à petit. Je rattrape alors un groupe de 5 ou 6 coureurs, je commence à ressentir la fatigue alors je m'y accroche. Une féminine un peu au-dessus de nous à sa lampe frontale allumée dans son sac, je la hèle pour la prévenir, elle s'arrête pour me remercier et peste contre sa frontale. Sur la fin de la montée, je crois que je lâche un peu le groupe, à moins qu'au contraire je le laisse partir devant moi ? Bref j'arrive seul en haut du col et je m'octroie une petite pause pendant qu'un bénévole m'annonce 50d- puis 100d+ jusqu'à la brèche de la roche fendue. La partie est assez technique mais sachant que derrière il y a une longue descente, je me bouge un peu et ne traîne pas dans ce secteur.
Brèche de roche fendue
 La descente (entrecoupée de petits coups de cul sinon c'est pas marrant...) s'effectue sans encombre jusqu'au Habert d'Aiguebelle.

Habert d'Aiguebelle, 12h39, 48km, 3950D+
Ce ravitaillement ne propose que de la soupe et du coca malheureusement. J'y passe tout de même un certain temps parce que ce que j'imagine comme la partie la plus difficile de la course est devant nous : le col de l'Aigleton, puis celui de la Vache, réputé très difficile.
Vers l'Aigleton
 J'ai un souvenir assez confus du passage de l'Aigleton... simplement qu'un bénévole nous dit de faire le plein d'eau dans le torrent en bas de la descente avant d'entamer le col de la Vache. C'est ce que je fais même si la nuit va tomber et que je bois déjà beaucoup moins. Le début du col de la Vache est tranquille, certains coureurs passent en mode nuit avec frontale plus veste ou manche longue, je les imite pour la frontale que j'allumerai dès le début du passage ultra caillasseux. La nuit tombe d'ailleurs très vite, j'essaie de rester à 50 lumens, le plus longtemps possible, c'est facile au départ car je suis derrière un coureur : c'est lui qui fait l'effort de lever la tête pour trouver le balisage, puis de réfléchir au meilleur moyen de rejoindre le fanion fluorescent. Lorsque je passe devant lui c'est une autre histoire, je passe autant de temps à chercher où mettre le pied qu'à réellement avancer, et cette fois c'est lui qui me suit et en profite.
C'est un peu longuet du coup mais j'ai la pêche, donc ça passe assez bien, je me permets même au col une petite plaisanterie au bénévole : « bon, et le col de la vache c'est pour quand ? » « bah c'est ce que tu viens de passer ! » « ah ce petit truc là ? » Mais je suis bien content d'avoir passer ce point critique sans trop d'encombre, surtout que je sais que désormais, une longue descente nous attend jusqu'à la base vie. Je me rappelle d'un début de descente très technique mais je m'y amuse, motivé à rattraper un maximum de coureurs et arriver au Pleynet le plus vite possible pour me reposer.

Pause Pub
Je mets ma Stoots Wapi sur 200lumens, c'est le pied, j'ai jamais eu un éclairage aussi confortable (et j'en ai eu quelques unes des frontales : Petzl, Silva, Zebralight, Spark et à peu près tous les modèles de chez Stoots sauf les tout premiers), même la Stoots Focus ne fait pas aussi bien. Le rendu du relief est tout simplement exceptionnel, je me demande même si on ne voit pas derrière les cailloux grâce à elle.

Ca descend un bon moment assez raidement, on passe près de plusieurs lacs qu'on devine plus ou moins dans le noir puis il y a une partie un peu platounette où je commence à avoir la flemme de courir/trottiner, même si le terrain s'y prête assez. On voit enfin le Pleynet plus bas, tout proche, cool.
C'est sans compter sur le putain de tour du vallon de merde qui surplombe le Pleynet : 5km de chemin à la con avec des ruisseaux stupides à traverser, des remontées plus ou moins casse-couilles pour enfin !! descendre franchement vers la base vie. Il est minuit. J'ai 4h de marge sur les barrières horaires et compte m'arrêter ici 2h environ.

Le Pleynet, 17h52, 65km, 5108D+, 158ème
Récupération du sac d'allégement, je me pose devant le dortoir et déballe mon bazar. Je change simplement de tee-shirt, coupe la montre et la met à recharger, je repartirai avec une nouvelle activité après ma pause. J'essaie de recharger également la batterie de ma lampe, mais j'arrive pas à conneter le chargeur à la batterie ! Tant pis j'aurai suffisamment pour finir la nuit et j'ai une autre lampe Stoots dans le sac. (En fait, ce que je croyais être la batterie de ma lampe était le bloc lumineux, qui ne se connecte pas au chargeur forcément, bref j'ai été un gros naze sur le coup).
J'enlève mes chaussettes et je constate que ma plante des pieds est bien pourrie, la peau s'arrache par endroit et j'ai l'impression d'avoir des espèces d'ampoules énormes. J'ai eu la bonne idée de prendre des tongs dans le sac, je me noke les pieds et enfile donc les tongs. Grosse erreur !!! mes pieds glissent avec la nok dans les tongs et je rejoins le restaurant en marchant comme un handicapé (bon y avait d'autres gars qui marchaient pareil sans problème de tongs...). Au restau, je finis allégrement le plat de pâtes bolognaises, et tout ce qu'on me donne, mais n'en reprend pas, c'est parfait et ça requinque. Direction le dortoir où j'essaie de dormir 1h, sans succès car il y a quand même beaucoup de bruit et surtout je n'ai pas encore assez sommeil. Je me repose tout de même une 1h et en repartant sur le petit ravitaillement, les bénévoles annoncent qu'ils vont bientôt fermer le restaurant??!! ce qui signifie que les coureurs arrivant même avec 2h d'avance sur la BH de 4h ne pourront pas profiter du repas chaud. Un peu déçu par l'organisation pour le coup.
Je repars à 1h43 exactement.

La suite du parcours, je la connais puisque c'est celle du 85km, mis à part la descente puis remontée pour atteindre le prochain ravitaillement du Gleysin.
On commence par une descente facile jusqu'à fond de France qui marque la longue montée de la Valloire, près de 900D+ assez raides. Dès les premiers hectomètres de cette montée, le sommeil s'empare de moi littéralement. Je me pose une première fois sur une tronc d'arbre à califourchon, ferme les yeux quelques instants, repars. Plusieurs coureurs dorment sur le bord du chemin, ma progression est limaceuse, je me fais beaucoup dépasser. Je bois un mélange eau-coca qui me fais tousser puis vomir très légèrement pendant une cinquantaine de mètres. Je guette un endroit propice pour m'allonger, j'en trouve un qui m'a l'air pas mal à dix mètres du chemin, il y a des pommes de pin assez molles, je m'allonge, la tête sur le sac, c'est confortable excepté les insectes qui en profitent pour se balader sur moi. Comme je ne suis pas très lucide, je n'enfile ni veste, ni haut chaud, du coup j'ai vite froid et comme j'entends sans cesse le bruit des bâtons des coureurs, impossible de trouver le sommeil. Je repars une nouvelle fois en décidant de ne plus essayer de dormir sur le bord du chemin, tant pis il me faudra attendre Gleysin. Tant bien que mal je rejoins un chalet où l'on nous propose café et thé, j'en profite avec plaisir et ça fait du bien. 2H30 pour 5km environ à monter... La forme n'est plus là, même la descente commence mal puisque je me tords la cheville droite, celle qui me dérange depuis le début de l'été. Je m'arrête quelques minutes pour faire passer la douleur et repars en tirant la patte. C'est dur mentalement à ce moment là, pendant une bonne demi heure je pense à l'abandon au Gleysin, la cheville sera mon excuse. Puis sur la fin de la descente, ça va mieux, je recours sans douleur, je ne sais pas pourquoi.

Gleysin, 24h31, 81km, 6162D+, 135ème
Gleysin, le dortoir est bien organisé, la bénévole qui s'en occupe note l'heure d'arrivée, le numéro du lit attribué, le temps de dodo désiré pour réveiller le coureur sans utiliser la sonnerie de son portable. Il est 6h35 et en fait je n'ai plus trop sommeil, mais je demande à être réveillé 30 minutes plus tard. Je mets ma fine polaire et tente de dormir un peu, c'est presque bon, mais non tant pis, il fait jour, il y a un peu de bruit, et j'ai peur de repartir trop tard d'ici parce que je sens que je vais perdre beaucoup de temps dans la portion montante suivante jusqu'au col Moretan, 1400 mètres plus haut. Au final je ne serais resté que 35 minutes ici, pour repartir vers 7h10.
C'est clairement une erreur de ne pas avoir insisté un peu plus pour trouver le sommeil. Mais il faut dire que je n'ai plus sommeil ! Par contre je n'ai plus trop de force non plus, alors je repars dans l'idée de profiter de la journée en mode rando cool, prendre des photos (bon j'en ai pris que très peu ce deuxième jour), et m'arrêter aussi souvent que nécessaire, le tout étant d'arriver à Super Collet où j'aviserai.
La montée se fait donc lentement, lentement, len-te-ment. Des pauses pour resserrer les lacets, pour avaler un gel, pour se rafraîchir le visage, tout est prétexte à s'arrêter. Je passe le refuge de l'Oule, je me retourne souvent pour guetter le premier coureur du 85km. Il arrive environ 300m sous le sommet, je le vois courir sur une partie plus facile et me dépêche de sortir mon appareil photo pour prendre une petite vidéo, prise un peu trop tard mais on remarque bien Antoine Guillon, qui m'encourage et file d'un pas énergique vers le sommet. Je décide de rester sur place, assis tranquille à l'ombre, pour attendre le second. Punaise il en met du temps ! Presque 10 minutes avant d'arriver, puis le 2nd, 3ème pas trop loin. Le 4ème m'encourage fort, ça fait très plaisir, et m'aide à repartir à l'assaut du sommet. J'y passerai avec le 15ème du 85. 



La descente
Col Moretan, 28h39, 87km, 7756D+, 138ème
Enfin une descente où je revis quelques instants, jusqu'aux lacs Moretan toujours aussi magnifique, mais c'est toujours pas la joie. Au moins je ne fais plus de pauses, et arrive à suivre quelques coureurs du 144km par intermittence jusqu'au ravitaillement de Périoule. Le coin est magnifique, j'oublie de prendre des photos mais on est quand même pas trop mal.

Périoule, 29h54, 90km, 7756D+, 140ème
A Périoule, on me propose de m'allonger, il fait très chaud, je me pose sur un tapis de sol un peu à l'ombre derrière une tente, un bon moment avec les pieds à l'air parce que la plante est de plus en plus douloureuse. Le ravitaillement est très animé, peu propice au sommeil mais fermer les yeux et être allongé est déjà très agréable. Je finis par repartir, il reste 9km jusqu'à SuperCollet, avec une bonne descente avant une remontée très raide en plein cagnard, où j'avais explosé l'an passé.
Ca commence mal avec la descente dans les bois où je n'ai aucun plaisir, impossible de courir, j'en ai trop marre, fait trop chaud, je me fais doubler de tous les côtés, j'ai l'impression d'être un enfant sur le périph' avec toutes les bagnoles qui passent à fond en klaxonnant. Du coup la douleur à la cheville revient, ça me fera mon excuse pour abandonner à SuperCollet !!
Surtout que la montée de la mort est devant moi, elle va finir par m'achever. Dès le début, je m'arrête pour envoyer des textos et lire ceux que j'ai reçus. Un gars du 85 s'assoit à côté de moi, on discute un peu et je lui dis que j'en ai marre, j'abandonne à SuperCollet. Lui aussi, il a décidé d'arrêter là-bas, il a déjà fait le 47 donc il connaît la suite. Il me propose de finir jusque là-bas ensemble mais j'ai envie de rester encore un peu assis.
5 minutes après je repars en soufflant.

Bizarrement, je me sens mieux, très bien même. J'accélère donc un peu le pas. Un peu beaucoup même. Je redouble plein de monde du 85 ou 144, qui semblent souffrir comme j'avais souffert ici l'an passé. Mais pas cette année, la forme est revenue, je suis bien, SuperCollet approche à grand pas, juste à côté, à 5 minutes, ça y est !

SuperCollet, 33h53, 100km, 8188D+, 153ème
J'ai mis 12 minutes de moins que l'an dernier pour effectué les 5km avant cette base vie, j'ai 2h d'avance sur la barrière horaire, et j'ai retrouvé la forme, plus question d'abandonner évidemment.
Je ne suis pas très bien organisé, il y a beaucoup de monde et peu de places, donc finalement, je passe beaucoup de temps ici sans trop le vouloir. J'en profite quand même pour me panser/strapper la plante des pieds du mieux que je peux, je me change entièrement, me renoke de partout, recharge un peu ma montre, mange beaucoup, bois pas mal. Notamment avec une mini gourde de sirop à la pêche, qui aromatisera délicieusement mon eau pendant quelques heures.
Je quitte cette base vie à 17h15, 45minutes avant la barrière horaire, mais avec une pêche d'enfer. Un bon pas me permet d'atteindre le sommet du télésiège, puis le col de Claran. Dans la descente vers la passerelle du Bens, je me cale derrière un groupe qui avance assez bien, avant de les lâcher sur la fin de la descente. Désormais, c'est moi la bagnole qui klaxonne sur le périph', je remonte tout ce qui bouge (mais il y a surtout des 85) en rejoignant le refuge des Férices après 400m de dénivelé avalé comme un mini mars.

Refuge des Férices, 37h48, 109km, 9140D+, 144ème
Petite pause au refuge, et je repars à l'assaut du col d'Arpingon, qui m'avait bien fait chier l'an passé aussi, d'ailleurs je sais toujours pas où il est ce con. Surtout qu'il fait re-nuit ! Quand je passe le point haut de la crête des Férices, et il est temps de ressortir la frontale pour la longue descente vers Val Pelouse.
Technique au début, assez roulante à la fin, je réussis à garder un petit rythme, essayant tout de même de courir le plus souvent possible. Je suis certain désormais de finir car ce qui reste, c'est de la rigolade comme je dirais à Dan38, bénévole à Val Pelouse.

Val Pelouse, 40h26, 117km, 9655D+, 129ème
J'ai mis 1h15 de moins que l'an dernier sur la portion SuperCollet – Val Pelouse, avec 65km de plus dans les jambes !
Une soupe, du grignotage et je m'allonge, la fatigue commence à poindre mais je sais que le sommeil ne viendra pas ici, trop d'agitation pour moi. J'y reste tout de même près d'une heure. Malgré la fatigue, je garde un rythme correct dans la montée suivante jusqu'au col de la Perrière, mais dans la descente qui suit, la course devient franchement difficile, c'est plutôt un trot plus ou moins élégant, entrecoupé de marche plus ou moins nordique. Changement de frontale avant les sources du Gargotton où quelques coureurs me dépassent, et direction le Col de la Perche et punaise c'est quand même dur là !! Grosse pause au sommet puis je repars pour quelques kilomètres pas trop pentus mais vallonnée où une envie de dormir pressante m'assaille, je m'arrête sur le bord, un endroit humide mais confortable, j'enfile ma veste et ferme les yeux. Plusieurs coureurs passent près de moi, ils sont bruyants bordel !! Une autre envie se fait pressante, qui m'incite à m'écarter un peu plus du chemin, je lance le travail et pense au perfect de Vik qu'il raconte avec tant de poésie dans son récit de l'EB2015 que j'ai lu avant le départ et je manque de m'étouffer de rire. C'est pas un perfect mais ça apaise grassement. Je repars avec la banane, décidé à rattraper tous les coureurs qui m'ont empêché de dormir ! Au début j'ai beaucoup de mal à courir mais je me fais violence et finis la descente à très bon rythme (c'est du moins mon impression...), je rattrape du coup pas mal de coureur, jusqu'au replat interminable qui mène au dernier ravitaillement du Pontet. Ce replat de merde, un peu comme le vallon de merde du Pleynet, est destiné à faire comprendre au coureur qu'il n'est qu'un petit être incapable, à la totale merci de l'organisateur/traceur sournois qui peut l'amener dans une direction, puis dans l'autre, en haut, en bas, jusqu'à tourner en rond en dansant la carioca sans jamais atteindre le ravito !

Le Pontet, 46h09, 134km, 10456D+, 116ème
J'attrape une soupe et fonce directement vers la yourte dortoir. J'enfile mon haut chaud, bois un peu, et m'endors assez vite (il est 4h20, c'est mon heure) pour une 1h. Je me réveille avant la sonnerie, c'est dur de se motiver mais j'ai envie d'en finir, je remplis mes gourdes et file pour la dernière côte vers le Fort de Montgilbert. J’appuie fort sur les bâtons, j'ai de l'énergie et le souvenir d'une montée assez facile. Mais ça se raidit peu à peu et je suis bien content quand la pente s'inverse enfin.Pas vraiment possible de courir dans la descente : pieds en feu et grosse flemme. Je regarde l'altitude, il y a 1100D- jusqu'à l'arrivée, putain !
Au fur et à mesure de la descente, je ralentis, et quelques coureurs me repassent, ce n'est qu'en voyant enfin Aiguebelle, à environ 3km de l'arrivée, que je constate qu'il m'est possible de descendre sous les 50h à condition de me bouger les fesses. Mes douleurs disparaissent comme par enchantement et la tête prend le relais pour finir en courant tout le long.

Arrivée Aiguebelle, 49h58min52sec, 144km, 10923D+, 108ème, 8h du matin

Wow, j'ai fini l'Echappée Belle ?!