mercredi 31 août 2016

Je crois que j'ai Belledonné (bis)


Août 2015, je termine le 85km de l'Echappée Belle en 25h, en ayant souffert dès le 30ème km. Il est hors de question pour moi à ce moment d'envisager l'Intégrale et ses 144km.
Janvier 2015, je m'inscris à l'Intégrale.

Je ne sais toujours pas ce qui m'a pris. Ou plutôt : la date et le lieu me conviennent, puis ça m'agace d'entendre que les 65 premiers kilomètres sont les plus beaux et les plus durs.

Pourtant mon « objectif » de l'année reste de boucler l'Ultra Tour du Beaufortain, je ne pense à l'Echappée que très vaguement, comme si je n’étais pas réellement inscrit.

Puis vient l'été, un UTB que je termine en assez bonne forme et avec la chance d'avoir éviter les orages, je me dis que finalement, l'Echappée va arriver, qu'elle marquera la fin des vacances et autant en profiter.

Une dernière grosse semaine de montagne dans les Pyrénées mi-août, puis 15 jours de récupération en Bretagne me permettent d'arriver en bonne forme la veille de la course, même confiant mis à part une cheville toujours un peu douloureuse depuis le début de l'été.
Je covoiture depuis les Yvelines avec Christian et Pierre-Yves, deux ultras-traileurs confirmés (PTL, Tor, Ronda et j'en passe) qui énumèrent leurs exploits plus fous les uns que les autres. Ca calme un peu mes ardeurs, et je m'imagine être le seul concurrent n'ayant jamais dépassé les 100km, au milieu de 500 habitués des ultras. Pour couronner le tout, je fais le trajet Aiguebelle-Vizille où je dormirai la veille du départ avec Françoise et Xavier, qui sortent de 300km à la Transpyrenea en juillet, enchaînent avec l'ultra trail du Vercors ensuite, bref, que des fous furieux sur cette course ou quoi ???????

Dormir à Vizille est une bonne idée, qui permet un réveil à 5h au lieu de 2h30 pour ceux qui prennent la navette à Aiguebelle.
Je quitte l’hôtel un peu à la bourre et arrive sur l'aire de départ à 5h55, le temps de déposer mon sac d'allégement sacrément plein, et c'est le départ, pas le temps de stresser un seconde !

La stratégie est simple : lentement tout le temps !!! sauf en descente mais la première vraie descente n'arrivera qu'après la Croix de Belledonne après le 30ème km. Du coup j'avance en me faisant doubler régulièrement et le temps lui n'avance pas trop... je me fais chier quoi !


Au refuge d'Arselle 3h05, 16,6km, 1481D+m, 377ème
Plein d'eau, mélange eau-coca dans un bidon qui va dégazer pendant un bon moment, je me gave comme d'habitude de tout ce que je trouve, et emporte deux morceaux de bananes pour la route,
J'y retrouve Pierre-Yves et Bruno, rencontré à Aiguebelle la veille, nous repartons ensemble. Les deux sont très bavards ! A tel point que Bruno nous laisse partir parce qu'il sent que le cardio monte trop en parlant, puis c'est à mon tour de laisser Pierre-Yves s'échapper. Le terrain devient de plus en plus technique, on commence à voir de beaux lacs, et il ne fait pas encore chaud donc tout va bien et je commence à prendre du plaisir. Quelques rapides pauses photos scandent mon périple qui s'annonce des plus agréables.
Lac Achard
Derrière le col de la Botte

Lacs Robert
Lac Claret sous le refuge de la Pra
 Refuge de la Pra 6h03, 28,1km, 2381D+, 319ème
20 minutes de pause ici, le temps de déjeuner tranquillement puisqu'il est midi. Je me crème les pieds car je sens qu'ils s'échauffent dangereusement, et je regrette d'avoir choisi des chaussettes neuves pour ce début de course, alors que d'habitude elles ont au moins un lavage. Pierre-Yves me propose de repartir ensemble mais j'ai encore quelques minutes à passer ici pour remplir mes bidons. J'essaie d'y mettre des pastilles d'Isostar que je croie effervescentes. Ben en fait non, elles restent bêtement au fond du bidon, limite en me narguant et surtout en ne faisant aucune bubulle d'effervescence ?!! bah merde, ça se croque alors ??? J'avais pris ça au dernier moment dans le but de varier un peu avec mes boissons ISO+ de chez Décathlon... bref, j'en croque une et ça ressemble à une vulgaire vitamine C, très moyen mais je ne m'en offusque pas et repart sur le même rythme qu'en arrivant... Heureusement j'ai pas le bidon fragile, ça reste un bon point.
lacs du Doménon
 Le prochain objectif est simple : la croix de Belledonne 5km et 900mD+ plus loin, sommet du parcours. Je l'atteins avec la patate. Robin G, déjà croisé à l'écotrail de Paris, Christian et Pierre-Yves y sont déjà, profitant de la vue avant d'entamer la redescente.
Je prends une petite vidéo 360 trop rapide, quelques photos floues ou avec mon doigt sur l'objectif, deux selfies grimaçants. 
Vers la croix de Belledonne


Sommet du parcours
 Donc là ça descend grosso merdo jusqu'au refuge Jean Collet, avec une petite remontée par le col Freydane, Belle partie où je me lâche, enfin ! Je rattrape Pierre-Yves qui descend à peu près comme moi, puis Robin, puis plein d'autres en me laissant aller, mais sans prendre de risque.

Lac blanc
 La plupart du temps, les coureurs devant se rangent agréablement sur le côté lorsqu'ils m'entendent arriver, et j'en fais de même en me faisant doubler, une courtoisie bienvenue qui permet de prendre encore plus de plaisir. A l'approche de Jean Collet, « Jam » et « Nico2000 » me rattrappent, je ne les connais pas mais leurs attributs kikouresques m'obligent à les interpeller, c'est l'usage. Jam en profite pour faire une sympathique chute sans gravité, de celle qui font simplement sourire mais n'effraie pas. Enfin au moins ça court, et Jean Collet s'approche.

Jean Collet 9h38, 39,2km, 3238D+, 286ème
J'aime bien cet endroit, en plus ça capte ! Un petit coup de fil à ma femme tout en profitant d'une soupe et d'un sandwich fromage saucisson un peu à l'écart me requinque. Un hélicoptère vient déposer un secouriste près du refuge, je le regarde comme un enfant, je remange encore et je retrouve Pierre-Yves qui m'avait suivi à quelques dizaines de mètres depuis la croix de Belledonne, du coup nous repartons ensemble pour affronter le col de la mine de fer. J'imprime un rythme sans doute trop soutenue au départ et Pierre-Yves me dit que je vais un peu trop vite pour lui, je ralentis un peu mais je finis par le lâcher petit à petit. Je rattrape alors un groupe de 5 ou 6 coureurs, je commence à ressentir la fatigue alors je m'y accroche. Une féminine un peu au-dessus de nous à sa lampe frontale allumée dans son sac, je la hèle pour la prévenir, elle s'arrête pour me remercier et peste contre sa frontale. Sur la fin de la montée, je crois que je lâche un peu le groupe, à moins qu'au contraire je le laisse partir devant moi ? Bref j'arrive seul en haut du col et je m'octroie une petite pause pendant qu'un bénévole m'annonce 50d- puis 100d+ jusqu'à la brèche de la roche fendue. La partie est assez technique mais sachant que derrière il y a une longue descente, je me bouge un peu et ne traîne pas dans ce secteur.
Brèche de roche fendue
 La descente (entrecoupée de petits coups de cul sinon c'est pas marrant...) s'effectue sans encombre jusqu'au Habert d'Aiguebelle.

Habert d'Aiguebelle, 12h39, 48km, 3950D+
Ce ravitaillement ne propose que de la soupe et du coca malheureusement. J'y passe tout de même un certain temps parce que ce que j'imagine comme la partie la plus difficile de la course est devant nous : le col de l'Aigleton, puis celui de la Vache, réputé très difficile.
Vers l'Aigleton
 J'ai un souvenir assez confus du passage de l'Aigleton... simplement qu'un bénévole nous dit de faire le plein d'eau dans le torrent en bas de la descente avant d'entamer le col de la Vache. C'est ce que je fais même si la nuit va tomber et que je bois déjà beaucoup moins. Le début du col de la Vache est tranquille, certains coureurs passent en mode nuit avec frontale plus veste ou manche longue, je les imite pour la frontale que j'allumerai dès le début du passage ultra caillasseux. La nuit tombe d'ailleurs très vite, j'essaie de rester à 50 lumens, le plus longtemps possible, c'est facile au départ car je suis derrière un coureur : c'est lui qui fait l'effort de lever la tête pour trouver le balisage, puis de réfléchir au meilleur moyen de rejoindre le fanion fluorescent. Lorsque je passe devant lui c'est une autre histoire, je passe autant de temps à chercher où mettre le pied qu'à réellement avancer, et cette fois c'est lui qui me suit et en profite.
C'est un peu longuet du coup mais j'ai la pêche, donc ça passe assez bien, je me permets même au col une petite plaisanterie au bénévole : « bon, et le col de la vache c'est pour quand ? » « bah c'est ce que tu viens de passer ! » « ah ce petit truc là ? » Mais je suis bien content d'avoir passer ce point critique sans trop d'encombre, surtout que je sais que désormais, une longue descente nous attend jusqu'à la base vie. Je me rappelle d'un début de descente très technique mais je m'y amuse, motivé à rattraper un maximum de coureurs et arriver au Pleynet le plus vite possible pour me reposer.

Pause Pub
Je mets ma Stoots Wapi sur 200lumens, c'est le pied, j'ai jamais eu un éclairage aussi confortable (et j'en ai eu quelques unes des frontales : Petzl, Silva, Zebralight, Spark et à peu près tous les modèles de chez Stoots sauf les tout premiers), même la Stoots Focus ne fait pas aussi bien. Le rendu du relief est tout simplement exceptionnel, je me demande même si on ne voit pas derrière les cailloux grâce à elle.

Ca descend un bon moment assez raidement, on passe près de plusieurs lacs qu'on devine plus ou moins dans le noir puis il y a une partie un peu platounette où je commence à avoir la flemme de courir/trottiner, même si le terrain s'y prête assez. On voit enfin le Pleynet plus bas, tout proche, cool.
C'est sans compter sur le putain de tour du vallon de merde qui surplombe le Pleynet : 5km de chemin à la con avec des ruisseaux stupides à traverser, des remontées plus ou moins casse-couilles pour enfin !! descendre franchement vers la base vie. Il est minuit. J'ai 4h de marge sur les barrières horaires et compte m'arrêter ici 2h environ.

Le Pleynet, 17h52, 65km, 5108D+, 158ème
Récupération du sac d'allégement, je me pose devant le dortoir et déballe mon bazar. Je change simplement de tee-shirt, coupe la montre et la met à recharger, je repartirai avec une nouvelle activité après ma pause. J'essaie de recharger également la batterie de ma lampe, mais j'arrive pas à conneter le chargeur à la batterie ! Tant pis j'aurai suffisamment pour finir la nuit et j'ai une autre lampe Stoots dans le sac. (En fait, ce que je croyais être la batterie de ma lampe était le bloc lumineux, qui ne se connecte pas au chargeur forcément, bref j'ai été un gros naze sur le coup).
J'enlève mes chaussettes et je constate que ma plante des pieds est bien pourrie, la peau s'arrache par endroit et j'ai l'impression d'avoir des espèces d'ampoules énormes. J'ai eu la bonne idée de prendre des tongs dans le sac, je me noke les pieds et enfile donc les tongs. Grosse erreur !!! mes pieds glissent avec la nok dans les tongs et je rejoins le restaurant en marchant comme un handicapé (bon y avait d'autres gars qui marchaient pareil sans problème de tongs...). Au restau, je finis allégrement le plat de pâtes bolognaises, et tout ce qu'on me donne, mais n'en reprend pas, c'est parfait et ça requinque. Direction le dortoir où j'essaie de dormir 1h, sans succès car il y a quand même beaucoup de bruit et surtout je n'ai pas encore assez sommeil. Je me repose tout de même une 1h et en repartant sur le petit ravitaillement, les bénévoles annoncent qu'ils vont bientôt fermer le restaurant??!! ce qui signifie que les coureurs arrivant même avec 2h d'avance sur la BH de 4h ne pourront pas profiter du repas chaud. Un peu déçu par l'organisation pour le coup.
Je repars à 1h43 exactement.

La suite du parcours, je la connais puisque c'est celle du 85km, mis à part la descente puis remontée pour atteindre le prochain ravitaillement du Gleysin.
On commence par une descente facile jusqu'à fond de France qui marque la longue montée de la Valloire, près de 900D+ assez raides. Dès les premiers hectomètres de cette montée, le sommeil s'empare de moi littéralement. Je me pose une première fois sur une tronc d'arbre à califourchon, ferme les yeux quelques instants, repars. Plusieurs coureurs dorment sur le bord du chemin, ma progression est limaceuse, je me fais beaucoup dépasser. Je bois un mélange eau-coca qui me fais tousser puis vomir très légèrement pendant une cinquantaine de mètres. Je guette un endroit propice pour m'allonger, j'en trouve un qui m'a l'air pas mal à dix mètres du chemin, il y a des pommes de pin assez molles, je m'allonge, la tête sur le sac, c'est confortable excepté les insectes qui en profitent pour se balader sur moi. Comme je ne suis pas très lucide, je n'enfile ni veste, ni haut chaud, du coup j'ai vite froid et comme j'entends sans cesse le bruit des bâtons des coureurs, impossible de trouver le sommeil. Je repars une nouvelle fois en décidant de ne plus essayer de dormir sur le bord du chemin, tant pis il me faudra attendre Gleysin. Tant bien que mal je rejoins un chalet où l'on nous propose café et thé, j'en profite avec plaisir et ça fait du bien. 2H30 pour 5km environ à monter... La forme n'est plus là, même la descente commence mal puisque je me tords la cheville droite, celle qui me dérange depuis le début de l'été. Je m'arrête quelques minutes pour faire passer la douleur et repars en tirant la patte. C'est dur mentalement à ce moment là, pendant une bonne demi heure je pense à l'abandon au Gleysin, la cheville sera mon excuse. Puis sur la fin de la descente, ça va mieux, je recours sans douleur, je ne sais pas pourquoi.

Gleysin, 24h31, 81km, 6162D+, 135ème
Gleysin, le dortoir est bien organisé, la bénévole qui s'en occupe note l'heure d'arrivée, le numéro du lit attribué, le temps de dodo désiré pour réveiller le coureur sans utiliser la sonnerie de son portable. Il est 6h35 et en fait je n'ai plus trop sommeil, mais je demande à être réveillé 30 minutes plus tard. Je mets ma fine polaire et tente de dormir un peu, c'est presque bon, mais non tant pis, il fait jour, il y a un peu de bruit, et j'ai peur de repartir trop tard d'ici parce que je sens que je vais perdre beaucoup de temps dans la portion montante suivante jusqu'au col Moretan, 1400 mètres plus haut. Au final je ne serais resté que 35 minutes ici, pour repartir vers 7h10.
C'est clairement une erreur de ne pas avoir insisté un peu plus pour trouver le sommeil. Mais il faut dire que je n'ai plus sommeil ! Par contre je n'ai plus trop de force non plus, alors je repars dans l'idée de profiter de la journée en mode rando cool, prendre des photos (bon j'en ai pris que très peu ce deuxième jour), et m'arrêter aussi souvent que nécessaire, le tout étant d'arriver à Super Collet où j'aviserai.
La montée se fait donc lentement, lentement, len-te-ment. Des pauses pour resserrer les lacets, pour avaler un gel, pour se rafraîchir le visage, tout est prétexte à s'arrêter. Je passe le refuge de l'Oule, je me retourne souvent pour guetter le premier coureur du 85km. Il arrive environ 300m sous le sommet, je le vois courir sur une partie plus facile et me dépêche de sortir mon appareil photo pour prendre une petite vidéo, prise un peu trop tard mais on remarque bien Antoine Guillon, qui m'encourage et file d'un pas énergique vers le sommet. Je décide de rester sur place, assis tranquille à l'ombre, pour attendre le second. Punaise il en met du temps ! Presque 10 minutes avant d'arriver, puis le 2nd, 3ème pas trop loin. Le 4ème m'encourage fort, ça fait très plaisir, et m'aide à repartir à l'assaut du sommet. J'y passerai avec le 15ème du 85. 



La descente
Col Moretan, 28h39, 87km, 7756D+, 138ème
Enfin une descente où je revis quelques instants, jusqu'aux lacs Moretan toujours aussi magnifique, mais c'est toujours pas la joie. Au moins je ne fais plus de pauses, et arrive à suivre quelques coureurs du 144km par intermittence jusqu'au ravitaillement de Périoule. Le coin est magnifique, j'oublie de prendre des photos mais on est quand même pas trop mal.

Périoule, 29h54, 90km, 7756D+, 140ème
A Périoule, on me propose de m'allonger, il fait très chaud, je me pose sur un tapis de sol un peu à l'ombre derrière une tente, un bon moment avec les pieds à l'air parce que la plante est de plus en plus douloureuse. Le ravitaillement est très animé, peu propice au sommeil mais fermer les yeux et être allongé est déjà très agréable. Je finis par repartir, il reste 9km jusqu'à SuperCollet, avec une bonne descente avant une remontée très raide en plein cagnard, où j'avais explosé l'an passé.
Ca commence mal avec la descente dans les bois où je n'ai aucun plaisir, impossible de courir, j'en ai trop marre, fait trop chaud, je me fais doubler de tous les côtés, j'ai l'impression d'être un enfant sur le périph' avec toutes les bagnoles qui passent à fond en klaxonnant. Du coup la douleur à la cheville revient, ça me fera mon excuse pour abandonner à SuperCollet !!
Surtout que la montée de la mort est devant moi, elle va finir par m'achever. Dès le début, je m'arrête pour envoyer des textos et lire ceux que j'ai reçus. Un gars du 85 s'assoit à côté de moi, on discute un peu et je lui dis que j'en ai marre, j'abandonne à SuperCollet. Lui aussi, il a décidé d'arrêter là-bas, il a déjà fait le 47 donc il connaît la suite. Il me propose de finir jusque là-bas ensemble mais j'ai envie de rester encore un peu assis.
5 minutes après je repars en soufflant.

Bizarrement, je me sens mieux, très bien même. J'accélère donc un peu le pas. Un peu beaucoup même. Je redouble plein de monde du 85 ou 144, qui semblent souffrir comme j'avais souffert ici l'an passé. Mais pas cette année, la forme est revenue, je suis bien, SuperCollet approche à grand pas, juste à côté, à 5 minutes, ça y est !

SuperCollet, 33h53, 100km, 8188D+, 153ème
J'ai mis 12 minutes de moins que l'an dernier pour effectué les 5km avant cette base vie, j'ai 2h d'avance sur la barrière horaire, et j'ai retrouvé la forme, plus question d'abandonner évidemment.
Je ne suis pas très bien organisé, il y a beaucoup de monde et peu de places, donc finalement, je passe beaucoup de temps ici sans trop le vouloir. J'en profite quand même pour me panser/strapper la plante des pieds du mieux que je peux, je me change entièrement, me renoke de partout, recharge un peu ma montre, mange beaucoup, bois pas mal. Notamment avec une mini gourde de sirop à la pêche, qui aromatisera délicieusement mon eau pendant quelques heures.
Je quitte cette base vie à 17h15, 45minutes avant la barrière horaire, mais avec une pêche d'enfer. Un bon pas me permet d'atteindre le sommet du télésiège, puis le col de Claran. Dans la descente vers la passerelle du Bens, je me cale derrière un groupe qui avance assez bien, avant de les lâcher sur la fin de la descente. Désormais, c'est moi la bagnole qui klaxonne sur le périph', je remonte tout ce qui bouge (mais il y a surtout des 85) en rejoignant le refuge des Férices après 400m de dénivelé avalé comme un mini mars.

Refuge des Férices, 37h48, 109km, 9140D+, 144ème
Petite pause au refuge, et je repars à l'assaut du col d'Arpingon, qui m'avait bien fait chier l'an passé aussi, d'ailleurs je sais toujours pas où il est ce con. Surtout qu'il fait re-nuit ! Quand je passe le point haut de la crête des Férices, et il est temps de ressortir la frontale pour la longue descente vers Val Pelouse.
Technique au début, assez roulante à la fin, je réussis à garder un petit rythme, essayant tout de même de courir le plus souvent possible. Je suis certain désormais de finir car ce qui reste, c'est de la rigolade comme je dirais à Dan38, bénévole à Val Pelouse.

Val Pelouse, 40h26, 117km, 9655D+, 129ème
J'ai mis 1h15 de moins que l'an dernier sur la portion SuperCollet – Val Pelouse, avec 65km de plus dans les jambes !
Une soupe, du grignotage et je m'allonge, la fatigue commence à poindre mais je sais que le sommeil ne viendra pas ici, trop d'agitation pour moi. J'y reste tout de même près d'une heure. Malgré la fatigue, je garde un rythme correct dans la montée suivante jusqu'au col de la Perrière, mais dans la descente qui suit, la course devient franchement difficile, c'est plutôt un trot plus ou moins élégant, entrecoupé de marche plus ou moins nordique. Changement de frontale avant les sources du Gargotton où quelques coureurs me dépassent, et direction le Col de la Perche et punaise c'est quand même dur là !! Grosse pause au sommet puis je repars pour quelques kilomètres pas trop pentus mais vallonnée où une envie de dormir pressante m'assaille, je m'arrête sur le bord, un endroit humide mais confortable, j'enfile ma veste et ferme les yeux. Plusieurs coureurs passent près de moi, ils sont bruyants bordel !! Une autre envie se fait pressante, qui m'incite à m'écarter un peu plus du chemin, je lance le travail et pense au perfect de Vik qu'il raconte avec tant de poésie dans son récit de l'EB2015 que j'ai lu avant le départ et je manque de m'étouffer de rire. C'est pas un perfect mais ça apaise grassement. Je repars avec la banane, décidé à rattraper tous les coureurs qui m'ont empêché de dormir ! Au début j'ai beaucoup de mal à courir mais je me fais violence et finis la descente à très bon rythme (c'est du moins mon impression...), je rattrape du coup pas mal de coureur, jusqu'au replat interminable qui mène au dernier ravitaillement du Pontet. Ce replat de merde, un peu comme le vallon de merde du Pleynet, est destiné à faire comprendre au coureur qu'il n'est qu'un petit être incapable, à la totale merci de l'organisateur/traceur sournois qui peut l'amener dans une direction, puis dans l'autre, en haut, en bas, jusqu'à tourner en rond en dansant la carioca sans jamais atteindre le ravito !

Le Pontet, 46h09, 134km, 10456D+, 116ème
J'attrape une soupe et fonce directement vers la yourte dortoir. J'enfile mon haut chaud, bois un peu, et m'endors assez vite (il est 4h20, c'est mon heure) pour une 1h. Je me réveille avant la sonnerie, c'est dur de se motiver mais j'ai envie d'en finir, je remplis mes gourdes et file pour la dernière côte vers le Fort de Montgilbert. J’appuie fort sur les bâtons, j'ai de l'énergie et le souvenir d'une montée assez facile. Mais ça se raidit peu à peu et je suis bien content quand la pente s'inverse enfin.Pas vraiment possible de courir dans la descente : pieds en feu et grosse flemme. Je regarde l'altitude, il y a 1100D- jusqu'à l'arrivée, putain !
Au fur et à mesure de la descente, je ralentis, et quelques coureurs me repassent, ce n'est qu'en voyant enfin Aiguebelle, à environ 3km de l'arrivée, que je constate qu'il m'est possible de descendre sous les 50h à condition de me bouger les fesses. Mes douleurs disparaissent comme par enchantement et la tête prend le relais pour finir en courant tout le long.

Arrivée Aiguebelle, 49h58min52sec, 144km, 10923D+, 108ème, 8h du matin

Wow, j'ai fini l'Echappée Belle ?! 

mercredi 3 août 2016

Ultra Trail du Beaufortain 105km 6400D+

Année 2016 chargée, l’abandon à l’UTB 2015 à mi course m’a incité à augmenter les distances de mes courses préparatoires. C’est donc avec les Allobroges et le trail des Aravis dans les jambes  notamment que je me présente sur la ligne de départ. Seule une petite alerte à la cheville 15 jours avant la course m’interdit d‘être pleinement confiant et confirme la nécessité de partir très prudemment.
Dernier dodo dans le camping à deux pas du départ, 4 heures samedi matin, il fait doux, beaucoup moins chaud que l’an passé, parfait. J’entame la première partie à petit rythme, je me fais doubler de tous les côtés, ça bouchonne assez souvent, mais je m’en fous et dès que les premières lueurs du jour apparaissent je profite des paysages. Ca va tellement bien que quand ça monte j’ai l’impression que ça descend tant je suis facile, et pourtant ça monte souvent, quasiment jusqu’au premier ravitaillement après la Roche Pourrie :
Vu sur je sais pas quoi depuis les Arolles
Refuge des Arolles 18km, 1920mD+, 4h04, 345ème (en 2015 : 3h27)
Je m’attarde un peu sur ce ravitaillement, le temps de ranger soigneusement ma frontale (Stoots Focus 1), goûter à peu près à tout ce qu’il y a de mangeable, retrouver mes bâtons avant de repartir. La boisson énergétique au citron proposée sur ce ravitaillement me fait également envie, un bénévole assure que c’est une boisson Isostar, un autre de Décathlon, m’enfin peu importe mettez m’en un bidon.
 Le tout en près de 15 minutes ; je vérifie mon « roadbook 25h » qui prévoyait un passage ici en 3h47, j’ai environ 30 minutes de retard, est-ce grave docteur ? Bof, ça mérite pas une piquouse, on va continuer dans la même veine.
La portion qui suit est censée me convenir puisque ça descend quasiment jusqu’au lac de Saint-Guérin, au 26ème kilomètre, et que j’aime ça moi, les descentes. Pas moyen de se retenir, je fais gaffe à ma cheville droite que j’évite de poser vers l’intérieur et je me laisse aller à dépasser un peu tout en me disant que dès que ça remonte je retrouve un rythme plus cool.

La célèbre passerelle du lac de Saint-Guérin
C’est le cas après la passerelle du lac, une longue montée assez régulière vers le second ravitaillement, où je me souviens avoir commencé à souffrir l’an passé. Cette année, prudent, je rattrape tout de même quelques coureurs dans la montée un peu longuette. Plus que 500 mètres de piste, les spectateurs se font plus nombreux car le ravitaillement est là et j’ai faim !
Cormet d’Arêches 32km, 2845md+, 6h51, 305ème (en 2015 6h04 147eme)
Vers la croix du Berger
Plus efficace ici, moins de 10 minutes me suffisent pour me  gaver, tester cette fois de l’hydrixir comme boisson dans un seul bidon (bof le goût) et je repars tranquillement pour affronter la plus belle partie du parcours : presque vingt kilomètres entre 2000 et 2600 m qui m’avait vu sombrer totalement en 2015, pris de maux de tête, de ventre et d’un manque d’énergie déprimant.
J’avance légèrement plus vite que les coureurs autour de moi, si bien que peu après le lac d’amour je rejoins un coureur à affubler d’un buff Kikourou : c’est Yves94, il est en préparation pour le  grand raid, sans bâtons donc, et il a l’air en pleine forme. Passer le lac, c’est le col à Tutu qui s’annonce de loin grâce à des banderoles "SAVOIE", il y a pas mal de spectateurs sur ce passage, ça pousse à ne pas se relâcher. Derrière le col une courte descente technique avant un sentier relativement facile vers le refuge de Presset me permet de reprendre un peu de force.
Comme dirait mon neveu : « on n’est pas bien là ? » C’est en effet la sensation que j’ai à ce moment, les paysages sont magnifiques mais je ne pense pas à prendre de photos, ou plutôt j’en ai la flemme, au choix.


Bon j'en ai quand même pris deux ou trois mais pas au meilleur endroit
Refuge de Presset 38km, 3550D+, 8h45, 246ème (en 2015, 8h15, 152ème)
Pour bouffer en revanche je n’ai pas la flemme : soupe, jambon, pain, saucisson et fromage y passent gaiement. J’en ai déjà marre des boissons énergétiques mais il y a heureusement du sirop de menthe, que je prends très souvent lors de mes entraînements, c’est parfait.  
Le point culminant du parcours, le col du grand fond à 2671m est à quelques encablures du refuge, une fois cette difficulté passée, c’est quasiment de la descente jusqu’au prochain ravitaillement, de la rigolade.
Sauf que le chemin en balcon creusé dans la neige par les bénévoles jusqu’à la brèche de Parozan est jugé trop dangereux. Il faut donc redescendre d’une centaine de mètres juste derrière le col avant de remonter sous la brèche.
La descente façon luge dans la neige est sympa mais la remontée dans une neige instable avec des rochers affleurant ne m’inspire pas confiance, je crains un peu pour ma cheville… Heureusement c’est court et la brèche arrive vite, c’est maintenant une descente très raide qui nous attend, faite d’un chemin en lacets très serrés tracé plus ou moins dans les éboulis. Je suis le rythme de 3 coureurs prudents, ça me parait trop risqué de doubler ici.
Au milieu de la descente, on entend des cris au-dessus, on s’arrête et se retourne : « PIERRE !!! PIERRE !!! »
Et là je vois débouler comme une furie un rocher de la taille d’un ballon de basket, droit sur nous, mais il change de trajectoire à chaque fois qu’il rebondit sur le sol. Je fais un saut sur le côté pour l’éviter ce qui me provoque une crampe au mollet, un coureur sous moi se jette au sol, personne n’a été touché, ouf ! 
Petite montée d’adrénaline pour le coup, tout le monde accélère un peu et on n’est pas mécontent de revenir sur un pourcentage de pente plus faible. Le reste de la descente jusqu’au plan de la Laie est facile mais pas forcément rapide, enfin on finit par y arriver. A quelques centaines de mètres du ravitaillement, ma femme et mes 2  filles viennent à ma rencontre, on échange une canette d’Orangina  et un petit sandwich contre un bisou. Le solide passe toujours aussi bien, et l’Orangina quel bonheur !!  
Plan de la laie 49km 3898md+ 10h48 213ème (en 2015 : 10h28 175ème abandon)
Qui a le plus beau couvre-chef ?
C’est la mi-course et les plus grosses difficultés sont censées être derrière nous. Je prévois une bonne pause ici, le temps de me changer entièrement et de recharger ma montre notamment. Ma femme repère en face de nous une casquette kikourou, c’est Antoine à qui j’ai acheté mes Lasportiva Akasha, il est en sortie longue prépa Tor des géants et semble très peu entamé par les presque onze heures d’effort. Quelques minutes après son départ du ravitaillement, une grosse averse s’abat et tout le monde se réfugie sous les tentes, des grêlons s’y mettent. J’ai enfilé une veste de pluie que je gardais en rechange dans le sac d’allègement pour éviter de me refroidir, je décide de la garder sur moi, en plus de celle que j’ai dans le sac, sait-on jamais. Une petite accalmie semble survenir, c’est le moment d’y aller, 50 minutes de pause pour le coup je suis frais comme un gardon.
Direction le tunnel du roc au vent, il pleuvine, mais rien de méchant et j’ai le sentiment d’être chanceux d’avoir pu profiter des tentes pendant la grosse averse. Ca monte régulièrement sur un sentier facile jusqu’au tunnel à la sortie duquel on nous promet une superbe vue… sur le brouillard. J’en rigole avec les bénévoles qui me disent que seuls les tout premier ont profité de la vue, j’avais qu’à aller plus vite !!
La pluie s’intensifie peu à peu, on entend même des orages au loin, mais ça ne m’affole pas du tout, dans ma tête je suis persuadé que je vais passer entre les gouttes. Des bénévoles (ils sont partout !!!) m’invitent à admirer le lac de la Gittaz en contre bas à travers les nuages, c’est beeeaaaauuuu ! Tellement beau que je prends une photo, et réajuste ma veste car ça tombe fort maintenant on dirait non ?
Les écarts entre coureurs commencent à être conséquents, j’ai un gars en vue devant à 50m, un autre derrière à même distance. On s’approche du col de la Lauze, quelques grondements de tonnerre semblent plus proches, un des deux bénévoles présent au col, autour de 2300m d’altitude, relève mon numéro de dossard et mon heure de passage (16h30) puis m’annonce :  « on arrête la course, pose tes bâtons et assieds-toi à l’écart, c’est trop dangereux de continuer sur les crêtes, on attend que ça se calme ».
J’obtempère, la pluie est forte, ce n’est pas le meilleur endroit pour s’arrêter puisqu’il n’y a rien pour s’abriter, mais pas le choix. J’enfile mes sur-moufles soi-disant étanches, remonte le col de ma veste jusque sous le nez et j’attends. Peu à peu d’autres coureurs nous rejoignent, beaucoup ne respectant pas les consignes des bénévoles de ne pas s’agglutiner et de s’écarter des bâtons. Le bénévole envoie des nouvelles par talkie-walkie, on est maintenant une trentaine à cet endroit. Enfin, on est autorisé à repartir, cela fait 30 minutes, je commençais à avoir froid ! Pour me réchauffer je repars à fond, et comme j’étais le premier arrêté ici, j’ai envie de repartir le premier ! Certains coureurs décident d’abandonner et de repartir vers le plan de la Laie, il y a justement un sentier qui y descend en 3km seulement. Pour ma part, je me sens très bien, et même si la pluie et le vent compliquent la course, je vais le plus vite possible. Avec le recul, c’était une mauvaise idée de se presser ici, j’y ai laissé bêtement des forces. Au pointage électronique côte 2432, je plains les bénévoles présents dans leur petite tente 2 secondes, mais ils ont pourtant le moral et sont contents de voir quelqu’un, je file aussitôt, ça descend légèrement jusqu’au col de la Sauce, j’y aperçois quelques bénévoles encore, je fonce sur eux à bon rythme mais ils me font de grand geste : en montrant ma gauche ? quoi qu’est-ce qui se passe ? : « c’est par là, vous ne montez pas sur les crêtes, on a raccourci la course vous allez redescendre directement à la Gittaz, suivez le chemin qui descend, vous connaissez ? ». « non mais je vais me débrouiller… ». Il n’y a pas de quoi se tromper, je visualise à peu près où je me trouve, tant que le chemin descend c’est que je suis au bon endroit. La pluie se calme un peu, je suis seul un bon moment, jusqu’à ce qu’un coureur relais me rattrape et m’annonce qu’on a zappé environ 4 ou 5 km. Il file très vite devant (il a moins de 10km dans les pattes). En bas d’une descente particulièrement boueuse, on se retrouve dans une sorte de vallée qu’il faut suivre jusqu’à la Gittaz, c’est un chemin assez facile où on avance à bon rythme. Je cours quasiment tout le long et après le mythique chemin du curé, on commence à apercevoir le hameau de la Gittaz, lieu du prochain ravitaillement.
Hameau de la Gittaz 63km 4869mD+ 145ème
J’ai fait un saut au classement parce que je suis le premier coureur à avoir bénéficié du parcours de repli, et il y a beaucoup d’abandons, particulièrement chez les coureurs qui se sont retrouvés en plein dans les orages et qui ont été refroidi dans tous les sens du terme. Je prends une soupe et grignote quelques bricoles et je repars à l’assaut du col de la Gittaz, 600 mètres plus haut à avaler en 4km. Sur le papier ce n’est pas bien compliqué, sauf que je commence à bien souffrir dans les montées. Motivé par la perspective d’être dans la dernière grosse difficulté du parcours, j’avance lentement, régulièrement rattrapé par des coureurs plus aguerris. Putain de col quand même !!! il arrive ou quoi ? Gros coup de mou, j’ai passé le col, je crois, ça descend même peut-être un peu, mais je suis au ralenti et je regrette d’avoir trop forcé depuis le col de la Lauze, de ne pas m’être suffisamment reposé au hameau.

Ici on devrait pouvoir aller vite, mais pffffff
Il reste un petit 100 mètres de dénivelé pour passer sous le col de la fenêtre où l’on m’annonce le col du Joly à 3km, ça redonne un peu le moral, et la perspective d’une bonne pause m’aide à progresser. J’essaie de trottiner dès que possible, le chemin s’y prête quand même assez souvent, je n’ai pas trop d’énergie mais aucune douleur, en plus il fait beau et j’aperçois le col du Joly et très bientôt le massif du Mont-Blanc sous une lumière magnifique !!

Col du Joly 73km, 5659md+, 17h34, 123ème
 Plus que 30km et 800md+, soit un vulgaire trail de région parisienne ! Je suis quand même bien crevé là, je m’assois une vingtaine de minutes avec une soupe, du coca et de quoi manger. La nuit va bientôt tomber donc je prépare la frontale, et un coup d’œil au profil pour voir ce qui m’attends exactement : globalement, une grosse descente, quelques kilomètres globalement montant et le reste globalement descendant jusqu’aux Saisies, le dernier ravitaillement 17km plus loin. Je repars en marchant d’un bon pas sur un chemin facile mais assez vite une descente glissante vient casser mon rythme, il faut faire très attention où l’on pose le pied. La nuit tombant peu à peu, j’allume ma lampe pour me rassurer, les passages qui suivent sont longs et monotones, ça devrait descendre plus souvent mais ça serait trop facile. Au kilomètre 80, en trottinant doucement, je me tords la cheville, la douleur est vive et m’oblige à m’asseoir immédiatement. C’est la merde ! je m’imagine déjà obligé d’abandonner aux Saisies, je repars inquiet, la douleur encore présente, j’entends (ou je rêve) ma cheville craquer à chaque pas. J’ose recourir mais très lentement d’abord, puis j’oublie la douleur qui s’estompe petit à petit…
Les Saisies se font désirer, je pensais être capable d’aller un peu plus vite sur cette portion, mais la fatigue désormais dicte sa loi, et en arrivant au ravitaillement, l’envie de dormir aussi…
Les Saisies, 90km, 6081md+, 20h42, 92ème
La salle du ravitaillement est surchauffée et c’est tant mieux, je m’installe illico sur une chaise et avale une soupe. Je me rends compte que depuis le col du Joly, plus de 3h avant, je n’ai bu que l’équivalent de 25 cl de sirop de menthe environ, et je n’ai rien mangé sur cette portion. Mais dans l’immédiat, je n’ai envie de rien d’autre que de rester assis sans bouger, fermant les yeux par intermittence. Je discute brièvement avec un jeune coureur qui semble fatigué également. Il porte un t-shirt de l’Echappée Belle, qu’il a déjà terminé en 2014 et à laquelle il participera à nouveau cette année, on s’y recroisera peut-être…
 Il me faut près de 30 minutes pour trouver la force de me relever, j’ai la dalle désormais ! je mange un peu de tout, remplis mes poches de saucisson et je me décide à repartir pour en finir !
300m pour gravir le Mont Bisanne, je ne battrai pas de record de vitesse ici mais la forme revient indéniablement, et lorsque la pente s’inverse, je recours avec plaisir. Le dernier pointage électronique à la croix de Coste marque le début de la dernière descente jusqu’à l’arrivée : 1300m de dénivelé négatif sur 8 km.
8 petits kilomètres que je dévale littéralement, lampe frontale au maximum, j’ai l’impression de courir comme à l’entraînement, ne ressentant aucune douleur nulle part. Je rattrape quelques coureurs sur cette portion, limite euphorique et simplement ralenti par la nécessité de changer la batterie de ma lampe (encore merci au coureur qui m’a éclairé pendant la manipulation). L’arche d’arrivée est franchie avec la sensation de pouvoir continuer des heures sur le même rythme, c’est inespéré.
Arrivé en 23h38 (88ème) en tenant compte des 30 minutes rajoutées par l’organisation pour compenser le parcours de repli.
Le temps m’importe peu de toute façon, je suis simplement ravi d’avoir terminé avec le sentiment d’avoir plutôt bien gérer au moins la première moitié. J’ai ma revanche sur 2015 !
Au final, je n'aurai donc effectué "que" 99.8km, il me faudra donc revenir pour compléter cette magnifique course...


      

mercredi 18 mai 2016

Trail des Allobroges 15 mai 2016 63km 4700D+

Janvier 2016, j’ai la clicotte aigue, ma CB fume, c’est l’ultra des inscriptions : Allobroges, Aravis, Beaufortain et Echappée Belle. Qu’est-ce qu’il m’a pris ? Je cherche encore, mais c’est fait et désormais deux hypothèses sont plausibles :  
      -Je vais monter en puissance, avec une préparation à base de long et de pentu qui me sera forcément bénéfique pour venir à bout de l’Echappée Belle.
    -Je vais me cramer, je n’ai jamais dépassé les 80km, fin juin je serais mort physiquement ou mentalement ou les deux.

J’arrive à Bellevaux, Haute-Savoie, avec un début d’année basé sur le long et des vacances chargées en D+ dans les Albères 3 semaines avant, je me sens confiant et je profite de mon arrivée le samedi midi pour aller reconnaître ce qui me semble être le passage crucial des Allobroges : la montée après le lac de Vallon, au ravitaillement du 40ème km.
Je fais donc une petite marche de 10km aller-retour, pour 550m de dénivelée, et j’en conclus bêtement que ce n’est pas si difficile que ça, que c’est un peu boueux mais sans plus, que si tout le parcours est comme ça c’est de la rigolade…
Première leçon : mes impressions c’est de la merde.

La nuit sur le terrain de camping (avec quelques kikoureurs croisés) se passent comme à l’habitude, je dors par intermittence, me demandant quels débiles se lèvent à 4h du matin pour courir 60 bornes. Mais les 5hrs arrivent vite, et après un coup de stress pour sortir la voiture du terrain de camping (ma Berlingo n’est pas habituée à de si fortes pentes :d), c’est déjà le moment de partir et finalement, on voit bien que tout le monde est content d’être là.

5km de plat pour commencer avant la première côte qui est raide et boueuse, c’est la queue-leu-leu, personne ne prend le risque de doubler, ça ne servirait à rien. J’ai Lemulot et Nono92 de Kikourou, déjà salués avant le départ, 20 mètres devant moi. 600m de D+ plus tard, c’est la redescente qui est raide et boueuse. Juste derrière Lemulot, je profite de ses 35 glissades sur les fesses, heureusement sans bobos (mais sans doute pas de bon augure pour la confiance), tandis que je réussis miraculeusement à rester débout. A peine le temps de souffler que ça remonte de nouveau, faut bien reprendre les 500m d’altitude perdus en 2km. Cette seconde montée est beaucoup plus facile, on vient de passer les 10km et c’est le moment où j’essaie de réfléchir, je me force à garder un rythme facile, je pense à la longueur de la course, la nécessité de gérer et tout un tas de conneries que j’oublie dès que la descente arrive : je décide de me lâcher un peu quand même, j’aime bien les descentes alors si je ne me laisse pas aller, c’est pas drôle. Celle-ci, longue de 4km, nous amène au premier vrai ravitaillement de Reyvroz , au 19ème km atteint en 3hrs.
Belle vue sur le lac Léman au 14ème km
 Je suis bien mais j’ai déjà beaucoup transpiré, l’humidité ambiante ne me va pas. Je fais le plein d’eau, me gave de saucisson et fromage, et repars tranquillement pour finir de rejoindre le point bas de la course : une passerelle au-dessus du Brévon, 600m d’altitude et départ de la plus grosse difficulté de la journée puisqu’il va falloir grimper 1000m plus haut.
Bon là, c’est plus de la rigolade. Je ne sais pas quel est le pourcentage de pente mais les semblants de marches creusées dans la boue, les bâtons qui se coincent, les chaussures qui dérapent… ça me tue en 10 minutes. Je ralentis le rythme de plus en plus, je regarde sans cesse l’altitude sur ma montre, et cela dure éternellement, beaucoup de coureurs me doublent dans ce passage, c’est vraiment le moment difficile de ma course, physiquement et moralement.
J’ai mis près de 2heures pour 5km, beaucoup de micro pauses, un manque d’énergie évident. Je me demande ce qu’il me manque pour garder un meilleur rythme sur ce genre de portion, du renforcement musculaire ? des fractionnés en côtes ? ou tout simplement l’habitude des longues montées ?
Toujours est-il que le sommet arrive comme une délivrance, je retrouve du peps pour entamer la descente jusqu’à La Buchille, 29ème km, 2ème ravitaillement en 5h25 à la 102ème place. J’y rejoins Lemulot qui m’avait déposé dans la montée précédente, il commence à sentir des crampes et prends son temps, je repartirais avant lui pour ne plus le revoir par la suite. Après une bonne soupe et un moral retrouvé, je repars pour une petite descente cool avant de rejoindre le point haut du parcours après un long passage sur la neige. Je me sens bien, mais hors de question de tenter le diable, je vais lentement mais sûrement. Le premier du trail des Crêtes me double vers le 30ème kilomètre, il trottine gaiement comme un cabri et je me dis que la vie est injuste. 
Près de 1800m d’altitude, les bénévoles m’annoncent le sommet du parcours. Désormais, c’est « presque » que de la descente jusqu’au lac de Vallon, ça passe comme sur des roulettes, mais l’arrivée au ravitaillement est tout de même bienvenue car je commence à redouter une espèce d’hypoglycémie. 40ème kilomètre, 7h36 de course et 79ème, ça mérite une bonne pause. En plus je connais les 5 prochains kilomètres parcourus la veille, tout va bien. 
Lac de Vallon, 40ème km
 On contourne le lac par un chemin facile, je marche en finissant saucissons et fromages, et la montée commence, c’est l’avant-dernière, enfin « presque ».
vers le 43ème km, on retrouve la neige
C’est marrant mais c’est moins facile qu’hier, me dis-je assez vite. Je suis obligé de m’arrêter régulièrement, pour m’alimenter, boire, car par moment j’ai l’impression d’être fébrile, les bénévoles croisés me demandent tous si je vais bien, je réponds oui mais je dois avoir une sale tête quand même…Évidemment beaucoup de coureurs me redoublent, c’est toujours les mêmes depuis le début de la course quasiment qui me déposent en montée et que je rattrape en descente. Je passe cette portion tant bien que mal, un peu démoralisé par la succession de coups de culs auxquels je ne m’attendais pas. 
la fin de la "presque" avant dernière côte
 Heureusement, et ça devient une habitude, mes forces reviennent dès que la pente s’inverse, mes jambes répondent parfaitement dans les descentes les plus techniques. Malgré tout, une bénévole du dernier ravitaillement de Mégevette, au 52ème km atteint en 10h10, me propose de rester un peu plus longtemps pour me reposer avant de repartir,  je décline son offre gentiment, prétextant qu’il ne reste que 10km et que ça va.
En vrai, ça va bof. Une dernière difficulté de 700m de D+, pas très rude sur le papier, finit de m’achever. Je me fixe de mini-objectifs du genre : « à 1400m d’altitude je fais une pause ». J’ai du mal mais tant que ça avance…l’arrivée se rapproche. Alors que voilà la descente finale, j’en ai franchement marre et je me fais violence pour courir un minimum. Une dernière concurrente me double dans la descente des téléskis, ça me motive pour garder un petit rythme.
L’arrivée, comme toujours pour les courses si longues, est une délivrance après 12h45 d’effort, près de 63km, 4700m de dénivelée, et une 93ème place sur 145 arrivants. Une course difficile portée par une organisation et des bénévoles parfaits.

      C’est le 1er gros morceau de l’année, les leçons apprises : 
     -Pas de douleurs, les quadris ne fatiguent pas du tout en descente.  
     -Des progrès à faire dans les montées, surtout très raides.     
     -Besoin de trouver une meilleure alimentation, le manque d’énergie a été flagrant par endroit.

      En attendant de trouver des solutions, repos.