Piau-Engaly, la navette nous dépose peu avant 10h du matin au pied du départ de l'épreuve. J'ai les cuisses courbaturées d'une sortie de 6km 500D+ 3 jours avant, que j'avais voulu faire pour "tester" mon genou dans une petite descente de montagne. Logiquement ce genre de sortie ne me laisse pas de trace, mais après 1 mois sans dénivelé suite à mon abandon sur la Ronda del Cims, mon corps réagit tout à fait différemment.
Du coup le départ donné, je ne suis pas super serein mais j'espère tout de même un temps autour des 28-30hrs. Les 8 premiers km sont sur un terrain facile, piste de ski plus ou moins raide avec un retour sur la station de Piau pour un premier ravitaillement. La descente ne se passe pas super bien, je n'ai pas mal au genou mais les cuisses chauffent déjà, me dis que ça va passer, que j'ai le temps et que le saucisson est bon.
Au dessus de Piau Engaly |
On est près de 650 me semble-t-il et le peloton a du mal à s'étirer, je dois être dans le ventre mou comme à mon habitude en début de course. Ca s'élève tranquillement pour passer le port de Campbieil, je ne crois pas forcer vraiment, mais c'est pas facile non plus, on atteint les 2610m de ce col et 15km de course, c'est le sommet du parcours qui marque le début d'une longue descente jusqu'au ravitaillement de Gèdre, 10km et 1600m plus bas. A priori, j'adore les descentes et j'en profite toujours pour me lâcher, doubler, prendre du plaisir. C'est ce que je fais dès l'entame de celle-ci, qui en plus est agréable et facile. Sauf que. Que mes cuisses, qui peut-être sont trop sollicitées pour protéger le genou, ou manquent peut-être d'entraînement sur ce dernier mois, ou quoi ou qu'est-ce, sauf que mes cuisses disent non. Ralentis, marche, me lancent-elles avec leur accent particulier si difficile à retranscrire à l'écrit. Je ne suis pas du genre contrariant, mais tout de même, au bout de 15km de course, j'exige habituellement d'elles qu'elles la ferment. Ca me rend bougon.
Montée au port de Campbieil |
Et à Gèdre, 25km de course en 4h15, dans les 200-300ème, je suis déjà épuisé. Je crois que Marion m'appelle à ce moment et j'en profite pour me plaindre. Repose-toi me dit-elle, tu as le temps. Pas con la meuf ! Je reste donc 30 minutes au ravitaillement, à goûter les mets entreposés sous la tente, remplir mes flasques, espérant le retour de l'énergie nécessaire à la portion suivante dont j'ai fait une reconnaissante assez complète l'année précédente (sans savoir que je ferai la course). En effet, la sortie de Gèdre marque l'entrée dans le bois de Coumély, via le sentier Raymond je crois bien, et ça monte sec jusqu'aux granges de Coumély.
lac des Gloriettes |
Manifestement, les 30min de pause à Gèdre n'ont pas suffi. Je suis d'une lenteur affligeante, je me repose sur mes bâtons tous les 50md+, je souffre jusqu'au replat précédent le lac de Gloriettes. Je me sens faible, je me gave de gels, de compotes, je bois beaucoup, ça ne change pas grand chose. Enfin j'arrive tout de même à suivre les coureurs sur les replats, et le tour du lac relativement plat se passe bien, je sais qu'il y a un peu de répit avant la montée à la Hourquette d'Alans, au 38eme km. Nous remontons tranquillement le gave d'Estaubé qui mène au cirque du même nom, la lumière est belle, il fait chaud et j'en profite pour m'allonger sur l'herbe, à l'écart du sentier, je m'octroie 15min les yeux fermés, et je tente une barre énergétique goût salé : tomates, chia et plein de trucs sur la liste d'ingrédient qu'avec ça si je pète pas le feu en repartant je comprends plus rien.
Cirque d'Estaubé |
Refuge des Espuguettes, brèche de Roland au loin |
Et ben ça fait du bien, franchement, je m'accroche à un petit groupe mené par un V3 ou V4 affûté, et je monte plutôt correctement la Hourquette d'Alans. Le chia ferait-il son effet ? Je me dis que oui, et je file dans la descente vers le refuge des Espuguettes, qu'on voit là, en bas. Enfin mes cuisses ont l'air de répondre mieux que tout à l'heure, je descends correctement, et achète deux Oranginas au refuge. Allez hop c'est quoi la suite ? Ca continue de descendre jusqu'à Gavarnie, prochain ravitaillement à 50 km de course. Le chemin est facile, on passe tout près du cirque, c'est beau, l'après-midi se termine, je n'ai pas un rythme d'enfer mais je ne me fais plus dépasser. Et Gavarnie arrive vite finalement malgré une bifurcation ratée qui me fait perdre moins de 500m. C'est l'heure du souper (pâtes, soupe, salade de fruits), et du passage en mode nuit.
Cirque de Gavarnie |
La suite a l'air chiante, faut redescendre à Gèdre d'abord, puis à Luz, avec 3 coups de cul de 300,400 et 200d+. Je confirme que c'est chiant, surtout de nuit, surtout quand l'énergie nous manque, surtout quand, après 30 nouvelles minutes de pause à Gèdre, on doit s'arrêter tous les 100m pour retrouver de la force, fermer les yeux, mettre la veste parce qu'on a froid, l'enlever de nouveau, la remettre, se mettre à genou pour vomir, croire que ça descend et que ça remonte... Et qu'on arrive à Luz 6h50 plus tard pour 21km. globalement descents.
Luz, 3h20 du matin, 17h20 de course et 71km, 268ème. Pâtes, change complet, orangina, soupe, 1h allongé dans la salle de repos, peut-être 10min de dodo, pâtes. A 5h03, je ressors de Luz à la 298ème place, on va monter tranquillou jusqu'à Barèges, puis le refuge de la Glère, avant d'entrée dans le vif du sujet, et j'ai hâte car je me sens franchement mieux. D'ailleurs, après une petite pause café-soupe à Barèges, j'entame la montée facile par la piste jusqu'à la Glère à très bon rythme, pour la première fois de la course je laisse des gars sur place, et discute avec d'autres avec bonne humeur, aujourd'hui est un autre jour, pensè-je.
Montée technique au refuge de la Glère |
Je ne traîne pas à la Glère qui marque l'entrée dans le Néouvielle, terre de caillasses informes, lacs multiples et chevilles en vracs, on s'y amuse bien en général, surtout que cette année, on nous a mis du rab avec un enchaînement Hourquette de Mounicot, Col de Madamète et Hourquette Nère digne de Belledonne, avec un petit passage ravitaillement à la cabane d'Aygues-Cluses. C'est pas pour dire, mais sur cette portion, je vais tellement plus vite que les autres surtout en descente (pourtant personne n'y court) que je prends le temps de me baigner dans le lac Nère jusqu'à la taille. Ca fait un bien dingue, de quoi finir cette coursette dans la bonne humeur.
Lac de la Glère |
Je fais tout de même une bonne pause à la cabane d'Aygues-Cluses et avant le sommet de la Hourquette Nère, car je sais que les 30hrs ne sont plus jouables, et qu'il suffit de finir tranquillement désormais. La descente vers le lac de l'Oule, que j'avais déjà emprunté sur le 80km en 2014, n'est pas très facile et il faut être super attentif, les premiers du 80km m'y dépassent parfois, mais je garde un rythme très correct jusqu'au dernier ravitaillement : le restaurant Merlans dans lequel je ne m'éternise pas car j'ai hâte d'en finir.
La dernière portion est une formalité que j'exécute tout en courant, douleurs au genou et cuisses envolées. Je termine en plus de 31h, avec un sentiment mitigé au vu de ma première journée dans la souffrance et sans énergie, contrastant avec le plaisir dans le Néouvielle et le simple bonheur de terminer.
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