Janvier 2016, j’ai la clicotte aigue, ma CB fume, c’est
l’ultra des inscriptions : Allobroges, Aravis, Beaufortain et Echappée
Belle. Qu’est-ce qu’il m’a pris ? Je cherche encore, mais c’est fait et
désormais deux hypothèses sont plausibles :
-Je vais monter en puissance, avec une
préparation à base de long et de pentu qui me sera forcément bénéfique pour
venir à bout de l’Echappée Belle.
-Je vais me cramer, je n’ai jamais dépassé les
80km, fin juin je serais mort physiquement ou mentalement ou les deux.
J’arrive à Bellevaux, Haute-Savoie, avec un début d’année basé sur le long
et des vacances chargées en D+ dans les Albères 3 semaines avant, je me sens
confiant et je profite de mon arrivée le samedi midi pour aller reconnaître ce
qui me semble être le passage crucial des Allobroges : la montée après le
lac de Vallon, au ravitaillement du 40ème km.
Je fais donc une petite marche de 10km aller-retour, pour 550m
de dénivelée, et j’en conclus bêtement que ce n’est pas si difficile que ça,
que c’est un peu boueux mais sans plus, que si tout le parcours est comme ça
c’est de la rigolade…
Première leçon : mes impressions c’est de la merde.
La nuit sur le terrain de camping (avec quelques kikoureurs
croisés) se passent comme à l’habitude, je dors par intermittence, me demandant
quels débiles se lèvent à 4h du matin pour courir 60 bornes. Mais les 5hrs arrivent vite, et après un coup de stress pour sortir la voiture du
terrain de camping (ma Berlingo n’est pas habituée à de si fortes
pentes :d), c’est déjà le moment de partir et finalement, on voit bien que
tout le monde est content d’être là.
5km de plat pour commencer avant la première côte qui est
raide et boueuse, c’est la queue-leu-leu, personne ne prend le risque de
doubler, ça ne servirait à rien. J’ai Lemulot et Nono92 de Kikourou, déjà salués avant le
départ, 20 mètres devant moi. 600m de D+ plus tard, c’est la redescente qui est
raide et boueuse. Juste derrière Lemulot, je profite de ses 35 glissades sur
les fesses, heureusement sans bobos (mais sans doute pas de bon augure pour la
confiance), tandis que je réussis miraculeusement à rester débout. A peine le
temps de souffler que ça remonte de nouveau, faut bien reprendre les 500m
d’altitude perdus en 2km. Cette seconde montée est beaucoup plus facile, on
vient de passer les 10km et c’est le moment où j’essaie de réfléchir, je me
force à garder un rythme facile, je pense à la longueur de la course, la
nécessité de gérer et tout un tas de conneries que j’oublie dès que la descente
arrive : je décide de me lâcher un peu quand même, j’aime bien les
descentes alors si je ne me laisse pas aller, c’est pas drôle. Celle-ci, longue
de 4km, nous amène au premier vrai ravitaillement de Reyvroz , au 19ème
km atteint en 3hrs.
Belle vue sur le lac Léman au 14ème km |
Je suis bien mais j’ai déjà beaucoup transpiré, l’humidité ambiante
ne me va pas. Je fais le plein d’eau, me gave de saucisson et fromage, et
repars tranquillement pour finir de rejoindre le point bas de la course :
une passerelle au-dessus du Brévon, 600m d’altitude et départ de la plus grosse
difficulté de la journée puisqu’il va falloir grimper 1000m plus haut.
Bon là, c’est plus de la rigolade.
Je ne sais pas quel est le pourcentage de pente mais les semblants de marches
creusées dans la boue, les bâtons qui se coincent, les chaussures qui dérapent…
ça me tue en 10 minutes. Je ralentis le rythme de plus en plus, je regarde sans
cesse l’altitude sur ma montre, et cela dure éternellement, beaucoup de
coureurs me doublent dans ce passage, c’est vraiment le moment difficile de ma
course, physiquement et moralement.
J’ai mis près de 2heures pour 5km,
beaucoup de micro pauses, un manque d’énergie évident. Je me demande ce qu’il
me manque pour garder un meilleur rythme sur ce genre de portion, du
renforcement musculaire ? des fractionnés en côtes ? ou tout simplement
l’habitude des longues montées ?
Toujours est-il que le sommet
arrive comme une délivrance, je retrouve du peps pour entamer la
descente jusqu’à La Buchille, 29ème km, 2ème
ravitaillement en 5h25 à la 102ème place. J’y rejoins Lemulot qui
m’avait déposé dans la montée précédente, il commence à sentir des crampes et
prends son temps, je repartirais avant lui pour ne plus le revoir par la suite.
Après une bonne soupe et un moral retrouvé, je repars pour une petite descente
cool avant de rejoindre le point haut du parcours après un long passage sur la
neige. Je me sens bien, mais hors de question de tenter le diable, je vais
lentement mais sûrement. Le premier du trail des Crêtes me double vers le 30ème
kilomètre, il trottine gaiement comme un cabri et je me dis que la vie est
injuste.
Près de 1800m d’altitude, les
bénévoles m’annoncent le sommet du parcours. Désormais, c’est
« presque » que de la descente jusqu’au lac de Vallon, ça passe comme
sur des roulettes, mais l’arrivée au ravitaillement est tout de même bienvenue
car je commence à redouter une espèce d’hypoglycémie. 40ème
kilomètre, 7h36 de course et 79ème, ça mérite une bonne pause. En
plus je connais les 5 prochains kilomètres parcourus la veille, tout va bien.
Lac de Vallon, 40ème km |
On contourne le lac par un chemin
facile, je marche en finissant saucissons et fromages, et la montée commence,
c’est l’avant-dernière, enfin « presque ».
vers le 43ème km, on retrouve la neige |
C’est marrant mais c’est moins
facile qu’hier, me dis-je assez vite. Je suis obligé de m’arrêter
régulièrement, pour m’alimenter, boire, car par moment j’ai l’impression d’être
fébrile, les bénévoles croisés me demandent tous si je vais bien, je réponds
oui mais je dois avoir une sale tête quand même…Évidemment beaucoup de coureurs
me redoublent, c’est toujours les mêmes depuis le début de la course quasiment
qui me déposent en montée et que je rattrape en descente. Je passe cette
portion tant bien que mal, un peu démoralisé par la succession de coups de culs
auxquels je ne m’attendais pas.
la fin de la "presque" avant dernière côte |
Heureusement, et ça devient une habitude,
mes forces reviennent dès que la pente s’inverse, mes jambes répondent
parfaitement dans les descentes les plus techniques. Malgré tout, une bénévole
du dernier ravitaillement de Mégevette, au 52ème km atteint en
10h10, me propose de rester un peu plus longtemps pour me reposer avant de
repartir, je décline son offre
gentiment, prétextant qu’il ne reste que 10km et que ça va.
En vrai, ça va bof. Une dernière
difficulté de 700m de D+, pas très rude sur le papier, finit de m’achever. Je
me fixe de mini-objectifs du genre : « à 1400m d’altitude je
fais une pause ». J’ai du mal mais tant que ça avance…l’arrivée se rapproche.
Alors que voilà la descente finale, j’en ai franchement marre et je me fais
violence pour courir un minimum. Une dernière concurrente me double dans la
descente des téléskis, ça me motive pour garder un petit rythme.
L’arrivée, comme toujours pour les courses si longues, est
une délivrance après 12h45 d’effort, près de 63km, 4700m de dénivelée, et une
93ème place sur 145 arrivants. Une course difficile portée par une
organisation et des bénévoles parfaits.
C’est le 1er gros morceau de l’année, les leçons
apprises :
-Pas de douleurs, les quadris ne fatiguent pas du tout
en descente.
-Des progrès à faire dans les montées, surtout très
raides.
-Besoin de trouver une meilleure alimentation, le
manque d’énergie a été flagrant par endroit.
En attendant de trouver des solutions, repos.
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